dimanche 1 mars 2015

La vie habitable, par Véronique Côté, éditions Ateliers 10, collection Documents

Le titre complet de cet ouvrage parle par lui-même: poésie en tant que combustible et désobéissances nécessaires.

On connaît sans doute tous dans nos entourages respectifs au moins une personne qui consomme, par choix ou pas, des ouvrages "pour l'inspiration". De la démarche spirituelle à l'apprentissage professionnel en passant par les sacro-saints bouquins de gestion du stress, de ses employés ou de sa vie, ces essais ou traités donnent, ose-t-on croire, des orientations. Ce sont autant de panneaux de signalisation sur les autoroutes des vies de leurs lecteurs.

Ceci dit, mis à part quelques Paul Coehlo, les gourous/experts/profs auteurs à succès se font rares. Les idées viennent et s'en vont. Les pilules font leur effet le temps d'une digestion.

Heureusement, la pharmacopée contient un rayon de produits naturels. Branchée directement sur l'humain, la série de l'équipe de la revue Nouveau Projet est en train de créer une jolie habitude au Québec, soit celle de penser autrement. Par exemple, dans ce sixième tôme de la série Documents, Véronique Côté a le courage de plaider la cause des choses qu'on prétend connaître et qu'il est de bon ton d'affirmer qu'on ne les aime pas. Ainsi en va-t-il des légumes lorsqu'on est petit, puis des suchis ou autres mets exotiques du genre en vieillissant. Puis vient la poésie. On en entend parler par-ci par-là et la première chose qu'on en sait, c'est que personne n'aime ça, alors sans se poser de questions, on ne l'aime pas, et ainsi, on est dans le ton. On est "normal".

Alors on vieillit mal, on se retrouve dans une société qui a tout mais on en veut plus, on se sent frustré parce qu'il nous manque quelque chose. Et si c'était de la poésie dont on manquait? Véronique Côté ne parle pas (nécessairement) de poèmes abstraits ou de performances à l'emporte pièce mais de quelque chose qui ressemble au calme et au moment présent. Indignée par la dénonciation de tout ce qui concerne le bien commun, par les chroniques d'opinions médiatisés qui font les choux gras des entreprises de presse, Côté lance ici un grand plaidoyer pour la vie débarrassée d'angoisses préfabriquées par des considérations économico-pragmatiques. Son beau texte incite à ne pas avoir peur ni honte de prendre le temps d'apprécier autre chose que son travail, et de penser à d'autres qu'à soi même.

Inspiré, ce texte d'à peine 90 pages contient aussi quelques questions/réponses adressées à des personnalités québécoises. Toujours une première question: dans le cadre de ce que vous êtes ou de ce que vous faites (philosophe, anthropologue, cinéaste, etc), comment définissez-vos la poésie et précisez-en l'importance. Les réponses sont diverses et stupéfiantes.

Je croyais ne pas connaître la poésie, or j'ai appris que j'étais en plein dedans... enfin pas toujours, mais comme pour Véronique Côté, j'y trouve le meilleur échappatoire, le meilleur exutoire. Pas du tout contemplatif mais porté à prendre le temps d'aimer toujours plus ce qui me construit, je m'aperçois aussi que tel n'est pas le lot de la majorité des gens, contraints par des obligations imposées par on ne sait plus qui, venues d'on ne sait plus où. Et c'est bien triste. Or, ces gens se réclament du bien commun...

Ce texte dresse un portrait de ce que pourrait être la vie si elle était plus habitable. Moi qui ne lit que peu d'essais, avec celui-là, je crois être tombé sur le bon parce que comme pour vous j'espère, je l'endosse totalement. À lire absolument, ce livre fait du bien.

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