vendredi 5 décembre 2014

Chevrotine, par Éric Fottorino, éditions Gallimard

Sentant qu'il va bientôt mourrir, un homme veut raconter à sa fille comment sa mère est disparue, alors que l'enfant avait tout juste deux ans.

Remarié après le difficile deuil d'une première épouse aimée, l'homme en question tombe (mot choisi...) sous l'emprise d'une femme qui, petit à petit, empoisonnera sa vie et celle de tous ceux autour d'eux. Portrait parfait d'une personne toxique, on a ici un genre de polar à l'envers où est expliqué le mode d'emploi d'un terrible aboutissement. Le personnage principal raconte le tissage d'une toile d'araignée dans laquelle il est tombé. Sans être carrément horrible, Chevrotine n'est certainement pas jojo. Bien écrit, raconté froidement, il siérait bien à une soirée d'Halloween.

On a en effet à faire avec un genre de sorcière moderne. Misérabiliste à l'extrême, cette femme aura tout pour se faire haïr. En fait, ne pas connaître Éric Fottorino, on pourrait presque crier au roman misogyne. Outre la quasi-sorcière en question, on remarque que les autres personnages de femmes, secondaires, sont soit mièvres (la première femme), soit peu signifiants. Or, des personnages ont-ils à être sympathiques pour faire une bonne histoire? Non, bien sur. N'en demeure pas moins que force est de reconnaître leurs principales caractéristiques. Dans ce cas, le mauvais rôle des personnages féminins est flagrant, d'autant plus que celui des hommes n'est pas spécialement mauvais. À peine les trouvera-t-on un peu mous, pas assez surs d'eux, manipulés. On navigue dans un monde d'ouvriers, d'anciens pêcheurs reconvertis en travailleurs manuels. Leurs vies, comme les décors, sont teintés du gris du bord de la mer, et du vent. C'est un monde qui ne l'a pas facile, comme notre bonhomme et ça, Fottorino le décrit bien. Comme décor, comme mise en scène, c'est tout à fait réussi.
Quant à l'histoire, c'est tout aussi bien ficelé. On assiste à la lente chute d'un couple qui creuse sa tombe à deux, multipliant les victimes autour d'eux, et c'est d'autant plus triste qu'il s'agit de leurs enfants.

Fottorino raconte une histoire de désoeuvrement, de gens qui n'ont eu cesse de faire des mauvais choix. Et pourtant, notre homme, le personnage principal, était porté par son coeur. C'est pourtant ce qui l'a coulé.

Excellent romancier, Éric Fottorino surprend ici par le propos et par les ingrédients utilisés: ses personnages féminins peu aimables, sauf peut-être la fille du couple dont il est question, qui sera peut-être sauvée par sa jeunesse, et ses personnages masculins victimes d'une vie dure. Chevrotine est un roman sombre, de belle facture et qui, sans révolutionner le genre, ne laisse pas indifférent non plus.

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