dimanche 8 juin 2014

Trois vies de saints, par Eduardo Mendoza, éditions du Seuil

Il y a peu d'auteurs dont j'achète les bouquins sans même consulter la quatrième de couverture. Mendoza est un de ceux-là. Pas qu'il ne m'ait toujours réjoui, par contre. N'en demeure pas moins qu'il m'a toujours diverti. Mendoza est un de ces auteurs qui sache toucher plusieurs genres. Du polar loufoque aux sagas historiques grandioses, le voici qui donne maintenant dans la nouvelle.

Comme le titre l'indique, Trois vies... raconte l'histoire de trois personnages. Quant à savoir s'il s'agit ou pas de saints, c'est là tout Mendoza. Sa définition de la sainteté est assurément bien personnelle et empreinte d'ironie. Mais si l'on considère les saints comme des modèles (à suivre ou pas), je considère qu'il a frappé dans le mille. Les trois ont ce petit quelque chose qui fait avancer les société dans lesquelles ils se retrouvent.

En premier lieu, on retrouve un évêque sud-américain condamné, bien malgré lui, à rester à Barcelone où il ne devait rester que le temps d'un court séjour officiel. Un des intérêts de cette nouvelle est que l'auteur la raconte au "je". En même temps de celle de l'évêque étranger, il raconte l'histoire de sa jeunesse, ou à tout le moins de son environnement familial. Si l'histoire prend des tournures rocambolesques, son propos est parfois dur, surtout lorsqu'il s'agit de ses parents, avec lequel le narrateur a le mérite de de ne pas en parler de manière hypocrite. Aussi vrai qu'on puisse être parfois très durs envers ses parents, Mendoza l'est ici à la puissance dix, d'autant plus que le personnage raconté à travers eux, soit celui de l'évêque en question, est lui-même un bonhomme fort parce que libre, et donc plutôt incompris par des parents plutôt obtus. L'évêque saura nager habilement à travers les jugements et les inclinaisons que les sociétés civile et religieuse auraient voulu qu'il prenne. Peut-être aura-t-il fait partie de quelque chose de grand... Mendoza vous fait vous le demander.

La seconde nouvelle m'a laissé dubitatif. Le personnage principal, apprenant qu'une maladie l'emportera d'ici une période de temps bien définie, se retrouve dans une situation où la possibilité lui est donnée d'exprimer son avis sur la vie, la société et tutti quanti devant un parquet trié sur le volet. On assiste à sa lente dérive en se demandant s'il feint la folie ou si c'est cette dernière qui s'empare de lui peu à peu. Aussi complexe que les pensées de son personnage principal, cette nouvelle m'a un peu perdu. J'ai cru en saisir un propos très critique, mais je n'ai pas été touché pour autant.

La dernière est ma préférée. Un petit truand de rien découvre la littérature en prison par l'entremise d'une enseignante plutôt désoeuvrée. Ce qui ne ressemblait à rien au départ prendra des proportions incroyables que les deux protagonistes vivront séparément mais intensément chacun de leur côté. Dans cette nouvelle il est clair que Mendoza prend la parole pour donner son interprétation à lui de ce qu'est la littérature, mais aussi de ce qui l'entoure, des perceptions qu'on peut en avoir et de l'utilisation, médiatique ou pas, qu'on peut en faire. Juste pour un Mendoza qui se met dans la peau d'un ancien moins que rien, la nouvelle vaut le détour... et nous fait réaliser qu'il y a peut-être des connections avec l'histoire où il raconte sa famille...

Rien d'hilarant, rien de renversant, mais un bon divertissement. Ceux qui comme moi auront été déçus par quelques uns de ses derniers livres retrouveront un Mendoza qu'on aimerait pouvoir lire plus souvent. Ces histoires sont plus personnelles, et c'est tant mieux. Soulignons enfin l'excellente traduction de François Maspero qui fait très certainement partie du succès que Mendoza puisse avoir avec le public francophone.

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