Je pousse ma découverte de la bédé encore plus loin, mais je continue à préciser que mon appréciation n'est toujours pas celle de l'expert mais bien du néophyte.
Avec cette expérience-ci, je tombe en plein enchantement. L'adaptation des textes de Kafka me semble justifiée. On le sait, celui-là a toujours su utiliser la métaphore à bon escient. C'est riche pour une bédé! Avec cette histoire, la métaphore en question réside dans le titre. L'Amérique joue le rôle principal de la conquête de Karl qui découvrira vite que là, c'est la loi du plus fort qui prédomine. "Réveillez-vous, tenez-vous prêt, aurait pu dire Kafka. Ça sera pas de la tarte."
J'ai réalisé avec L'Amérique combien les personnages principaux de Kafka ont ceci de très Américain qu'ils sont le plus souvent attachants, issus du peuple, vulnérables. Quand à leur caractère victime, mettons plutôt ça sur une particularité toute kafkaienne, mais n'empêche: ici, Karl, a tout pour se faire aimer. Naïf, on lui crierait constamment qu'il y a traquenard ici et là, mais il a seize ans, débarque dans un nouveau monde, et les nouveaux mondes, quelques qu'ils soient, c'est rarement facile. Je ne connaissais pas du tout cet ouvrage inachevé de Kafka, aussi sa découverte a-t-elle ajouté à l'expérience.
Quant aux dessins, je suis absolument sous le charme. Godbout est un auteur connu au Québec pour des séries publiées dans des revues satiriques dans les années 80 et 90. On m'aurait dit que l'auteur de Michel Risque et de Red Ketchup se lançait dans Kafka, j'aurais tiqué. Or voilà, quel talent. Quels beaux dessins. Le New York de la fin du 19e siècle y est fantastique. On le voit avec les yeux du nouvel arrivant qui, lui, va d'aventure en aventure avec sa bouille de petit voisin qu'on prendrait certainement la peine de saluer tellement il nous parait sympathique.
L'univers de Kafka est étrange, mais réaliste, en ce sens qu'il ne s'agit pas de science-fiction, enfin pas cette fois-ci. Cet ouvrage a un côté très humain, d'où sa dureté, parfois, et les émotions partagées qu'il nous inspire. Je n'y a perçu aucun cliché du "New York de rêve", mais bien, je le dis encore, un décor grand, lourd, faste dans lequel il ne peut que se passer des histoires hors de l'ordinaire.
Les dessins en noir et blanc sont à mon sens très bédéesques parce que caricaturaux mais proportionnés. Les personnages constitueraient un excellent storyboard de vaudeville. Réel plaisir de lecture, L'Amérique de Kafka revisitée par Réal Godbout constitue certainement une belle initiation au genre bédé pour qui, comme moi, n'y plonge que très peu souvent. Un vrai beau livre.
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