samedi 11 janvier 2014

TransAtlantic, par Colum McCann, éditions HarperCollins

Terre-Neuve, 1919: deux hommes s'apprêtent à traverser l'Atlantique dans leur avion à cockpit non recouvert. Ils choisissent un vent favorable et partent. Réussiront-ils? Passionnant. Dublin, 1845. Un Noir, esclave affranchi et érudit, part pour une tournée de promotion de son livre sur l'anti-esclavagisme dans l'Irlande ravagée par la famine, qu'il découvrira au fil de son périple. Tout aussi passionnant, sinon plus. Belfast, 1998. Un émissaire diplomatique américain effectue un ixième voyage en Irlande du Nord pour faire avancer les négociations de paix où il joue le rôle de conciliateur. Surprenant. St-Louis, Missouri, 1870. Une femme fera s'épanouir l'entreprise familiale de livraison de glace. Stupéfiant. Et ça se poursuit comme ça sur un siècle et demi. Si les personnages du début sont forts et tirés de l'Histoire "vraie", s'agitent, en toile de fonds d'autres personnages secondaires qui prendront le devant de la scène au fil du récit. Cette seule gymnastique vaut à elle seule la lecture de TransAtlantic. Et lorsqu'on découvre que ce chassé-croisé historique répertorie l'histoire de personnages d'une même lignée, on lève notre chapeau à l'auteur et on s'attache à chacun de ces personnages, en même temps qu'on tisse le fil de l'histoire, d'un scénario qui raconte l'Irlande et les Irlandais d'aujourd'hui à travers les dernières décennies.

J'ai retrouvé ici le grand auteur de Les saisons de la nuit (This Side of Brightness) et de Et que le vaste monde poursuive sa course folle (Let the Great World Spin). C'est même à se demander si Transatlantic ne serait pas le meilleur ouvrage de McCann.

Si on compare ce livre avec le dernier critiqué sur ce blogue: The Circle, de Dave Eggers, on retrouve ici les deux opposés du spectre du côté de l'écriture. Eggers écrit en noir et blanc en nous exposant toute la froideur de son récit. McCann a l'écriture multicolore. Tout, avec lui, a un sens, une importance, une histoire propre. Chaque lieu, chaque objet, chaque personne qui passe. Certaines scènes chavireront même les moins sensibles. Aucune barbarie, ici. Seuls les sentiments les plus humains sont décrits, et de si belle façon qu'on ressent très clairement les peines, douleurs et joies. Parce qu'il y a là beaucoup de résilience. Les personnages subissent l'Histoire sans s'apercevoir qu'ils la font, et c'est ce que McCann réussi à nous exposer.

Saga ou pas, je ne saurais dire. Probablement pas. Mais beau voyage dans le temps que ce TransAtlantic. Absolument pas ennuyant. Et surprenant aussi. Les plus forts, vous le verrez, ne sont pas toujours ceux qu'on pense. Voyez de quels personnages de la famille il s'agit et voyez qui vivra, qui mourra et comment. Voyez qui poursuivra sa destinée, malgré tout ce que l'Histoire, le temps, les autres essaient de leur imposer. La dernière phrase résume à elle seule tout l'esprit de ce livre. Elle décrit, en gros, la stupéfaction de constater que le monde poursuit sa route.

Si vous aimez l'écriture fine et ciselée et la grande Histoire des petites gens, lisez TransAtlantic, c'est du bonbon.

Le livre est traduit en français sous le titre Transatlantic, traduit par Jean-Luc Piningre, aux éditions Belfond.

Et si vous aimez McCann, que vous avez déjà lu TransAtlantic ou que vous pensez vraiment le lire, je vous recommande cette entrevue sur la quelle je suis tombé par hasard. Cet entretien avec McCann est en anglais avec sous-titre en français. Il y raconte sans prétention et de façon très intéressante la création de TransAtlantic.

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