Un homme travaille dans un garage près d'une grande raffinerie, au nord-ouest. Un appel de son vieux père qui vit loin, dans l'est, le bouleverse. Le vieux a l'air confus, apeuré. Or, une panne d'électricité généralisée oblige la raffinerie à retourner ses employés à la maison. L'homme pèse le pour et le contre, regarde où il en est dans sa vie et décide de partir pour aller rejoindre son père. Son but: arriver le plus tôt possible.
La seule scène de l'arrivée de la panne d'électricité confirme qu'on lira quelque chose de vraiment pas banal. Il fait chaud, le temps est lourd, l'atmosphère est sous tension, le personnage principal est au bout du rouleau. Dès qu'il prend la route, on ressent déjà sa fatigue. Il avancera au fil des pages, traversera un grand pays jamais nommé. Amateurs de grands espaces: vous serez servis: plaine immense, forêt de conifères, fleuve en mer intérieure, on suivra tout un itinéraire.
J'ai fait le voyage avec lui en environ une semaine. J'avoue avoir ressenti chaleur et fatigue du personnage, un inconfort... intéressant Ce "road movie" littéraire vous tient sur le bout de votre siège du début à la fin. Il arrivera peu de choses au conducteur dans les premiers temps. On comprendra toutefois l'ampleur de la panne dont il est question, ses effets, sa durée. On devine quelque chose de grave, un cataclysme, mais sans y être, on s'y dirige avec le conducteur. C'est absolument fascinant. Au fil des kilomètres, le périple prendra d'autres formes. Ne pas dormir, peu manger, trouver de l'essence. Et les rencontres seront peut-être déterminantes...
Bien sur, on fait rapidement le parallèle avec The Road, de Cormac MCCarthy, sauf qu'ici, on avance en auto, et que l'hécatombe est plus loin, latente. En fait, le risque est partout, tant dans l'actualité que sur la route, que la fatigue du conducteur rendra de plus en plus périlleuse. Et il y a aussi l'obsession de cet homme de rejoindre son père au plus vite, comme s'il voulait conjurer un sort. Là, on pensera un peu à Contre Dieu, de Patrick Sénécal, pas dans la violence de ce dernier mais dans le combat intérieur du personnage principal.
Christian Guay-Poliquin tisse une intrigue longiligne et haletante. Rien n'est compliqué, mais tout est dangereux, même le personnage principal représente un danger pour lui-même. Saura-t-il éviter tous ces écueuils?
Le fil... est presqu'un thriller. Certain que les amateurs du genre s'y plairont. D'un autre côté, l'amateur de bonnes histoires comme moi est tout aussi content. L'écriture est belle, très riche d'images. Le scénario est sans longueurs et si la fin est déroutante, on se dit qu'il devait sans doute en être ainsi.
On pourra voir une quête, dans cette histoire, ou plus simplement un désir d'arriver à ses fins coute que coute. Qu'importe les dangers ou les peurs, l'homme poursuit sa route.
Retenez ce nom: Guay-Poliquin. Procure d'excellents moments de lecture!
Pour vous mettre dans l'ambiance du Fil des kilomètres, je vous suggère cette vidéo, "bande annonce" d'environ trois minutes qui résume bien l'atmosphère du livre. C'est très bien fait.
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