J'ai lu ce livre alors que j'étais en voyage. Il y aurait beaucoup à dire sur les livres qu'on lit en vacances, en voyage, ou à tout autre moment déterminé et déterminant de notre vie. Sans contredits, l'ambiance, l'atmosphère dans lequel baigne le lecteur laisse son empreinte sur la lecture. C'est sans doute pour cette raison que je parlerai ici de la lecture lumineuse et touchante d'un livre prétentieux à juste titre.
La prétention tient au style. Je ne me rappelle pas avoir jamais lu un livre entier écrit au "tu". Une lettre, un texte court, oui, mais une telle chronique, jamais. Au début, on tique un peu, voir beaucoup. L'auteur se parle à lui-même. Paul Auster se raconte à lui-même. Il se regarde même tellement qu'il en utilise son corps comme véhicule par lequel il explique différents moments de sa vie. Comme s'il décrivait ce qu'il voyait devant son miroir. Fallait être culotté. Se parler à soi-même pourrait pourtant tenir du plus pur égocentrisme. Si tel est le cas, et ce l'est bel eh bien, c'est tout à fait réussi. À force de pages et d'anecdotes racontées sur tous les tons, des plus touchants aux plus comiques, Auster nous fait nous taire. On fait taire ces petites voix qui nous font nous demander pourquoi il raconte de cette façon, et on embarque comme on le ferait sur le bateau des sirènes, charmé. Quel tour de force!
Je constate que Paul Auster est un des auteurs dont je possède la plus grande quantité de livres. Et pourtant, ce que je vais affirmer là est épouvantable: j'en ai oublié la plupart. Je regarde les titres et pour plusieurs, je ne me rappelle pas tellement l'histoire. Attention, ceux qui sont restés sont pourtant gravés très profondément. Ainsi en va-t-il de Tombouctou, de la Triolgie new-yorkaise, et plus récemment de Sunset Park. Chronique d'hiver me restera longtemps parce que de tous les livres de Paul Auster, celui-là est plus vrai que tous les autres. Sa vie, sans être remarquable, a vu se succéder des épisodes couvertes par son regard sensible et ça, juste ça, mérite qu'il nous les raconte, ces épisodes du décès de sa mère, de ses premiers émois amoureux, de ses accidents, et de tout ce qui le touche, lui, l'homme observateur qu'est Paul Auster.
Son corps, Auster l'utilise donc comme prétexte pour raconter des époques, des anecdotes. Il utilisera aussi ses différentes adresses par lesquelles il nous dressera des portraits d'ambiance d'un endroit, d'une époque ou d'un sentiment. Vraiment, cette façon de se raconter est fascinante. J'ai souvent été ému, fortement ému, pas tant par le résultat d'une action que par son interprétation par son auteur. Lucide, sincère, on n'assiste pas là à un plaidoyer de déculpabilisation ou à quelque portrait lénifiant de sa propre personne. Non. Le mec assume ses forces autant que ses faiblesses. Américain jusqu'au bout, mais Juif, et maintenant New-Yorkais, le personnage séduit, parfois choque, mais au bout du compte, on, en tout cas, moi, je, j'aimerais bien prendre un verre ou deux avec lui, histoire de refaire le monde en sa compagnie.
Seul bémol: la traduction de certains termes. J'ai lu cet ouvrage en français sans penser à me le procurer en anglais, comme je le fais souvent pour les auteurs Américains. C'est dire combien, pour moi, Auster figure plutôt parmi les latins, les Européens. Et pourtant... Et pourtant, oui, il décrit les États-Unis des soixante dernières années et on se retrouve parfois avec des termes de football américain, de baseball ou même de vie quotidienne (Québécois, essayez de sympathiser avec un "bouillon de poule aux vermicelles", juste pour voir...) déformés. Je sais que certains régionalismes ont à voir avec l'environnement immédiat. Il y a toutefois matière à se poser des questions lorsqu'on sait qu'un peuple francophone, qui habite l'Amérique depuis plus de 400 ans qui s'est approprié dans sa langue quantité de termes issus du quotidien de cette partie du monde, ne mérite pas la considération de traducteurs d'outre-mer lorsque vient le temps d'adapter ces mêmes termes à un public francophone de tous les horizons. Moi, vous savez, un quarterback et une base de baseball, franchement, ça me sidère encore de lire ça dans un ouvrage en français. Mais n'ayez crainte. Quelque soit votre accent, Chronique d'hiver vous mènera par le bout du nez par le pouvoir des mots, de celui de raconter et de captiver, de divertir. Voilà de la belle, très belle littérature.
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