dimanche 23 décembre 2012

14, de Jean Echenoz, éditions de Minuit

Jean Echenoz reste un de mes auteurs préférés. Sa façon de raconter est unique. son écriture est carrément une voix qui parle, quelqu'un qui raconte et qui crée le silence autour de lui, qui sait attirer l'attention en plaçant les intonations aux bons moments, qui vous regarde doit dans les yeux en vous parlant. Ses mots sobres sont toujours les bons. Aussi, les portraits qu'il nous avait préalablement servis sortaient-ils de l'ordinaire par leur traitement. Rarement se fait-on raconter l'histoire de quelqu'un aussi bien que par Echenoz. Cette fois, avec 14, terminés les portraits de figures connues. Plutôt qu'un Ravel, un Zatopek ou un Tesla, Echenoz nous présente plutôt une poignée d'inconnus d'une petite ville française. Bientôt, ils iront à la guerre. Reste voir qui en reviendra, et dans quel état. C'est là l'essentiel de 14. Comme ses derniers livres, Échenoz a fait de 14 quelque chose de court. Traverser quatre ans de guerre en 124 pages, ça surprend. J'avoue ne pas y être habitué parce que habituellement, les histoires de guerre, c'est long. Bon, toute la littérature de guerre ne se résume pas aux Bienveillantes, mais quand même. L'expérience que nous propose Echenoz, est celle de suivre un personnage caméra à l'épaule. Les plans ne sont pas très larges. On se concentre sur l'action qui survient là maintenant. Pas de survol historique. Que l'histoire crue, sans trop de fioritures, de la traversée de la guerre par ces natifs d'une même contrée. C'est du Echenoz, donc c'est bon, c'est bien dit, écrit, senti, mais voilà, c'est court. Peut-être est-ce le choc de sortir de ses trois derniers livres qui proposaient une facture commune, peut-être est-ce la surprise de se faire parler d'un conflit dont on parle peu, si on le compare à celui qui a suivi, et de façon aussi brève. Peut-être aussi est-ce, sujet oblige, le gris qui entoure une histoire ou rien, ou si peu, est prétexte à sourire. Reste une impression bizarre, à la fin du livre, un genre de frustration, quelque chose qui fait que j'en aurais voulu plus, ou que j'aurais espéré autre chose. 14 est un livre triste et beau. Comme pour une personne humaine qui posséderait les mêmes qualificatifs, il m'a touché et m'a retourné un peu, sans toutefois me laisser une bonne impression. 14 est un livre dur. Mais, je le répète, c'est du Echenoz. Les habitués apprécieront.

3 commentaires:

Claudio Pinto a dit…

La frustration que l'auteur vous ait abandonné? est-ce cela?

Je n'ai lu que Ravel de Echenoz, que j'ai aimé (mais pas trop). Oui, Echenoz est économe, je le lis désormais avec ça en tête. Caméra à l'épaule, vous dites bien, c'est pour ça peut-être que la chaleur manque dans ses écrits. Pour Ravel ce n'est pas si mal, lui qui n'est pas le plus « chaud » des compositeurs (Debussy, Bartok le sont davantage, vous le savez probablement.

Je m'en vais est dans pile à lire du mois prochain.


Alain a dit…

Vous touchez peut-être là un point important et très intéressant. Un sentiment "d'abandon" est effectivement quelque chose qu'on puisse ressentir après la lecture d'un livre dont on aurait aimé en avoir plus.

N'en demeure pas moins que je laisse Échenoz parmi ceux qui réussissent à me captiver le plus avec le moins de mots.. et de pages. C'est là un tour de force devant lequel je m'incline encore... tant qu'il ne m'abandonne pas trop souvent!

Claudio Pinto a dit…

Je ne lirai que des classiques cette année (petite résolution 2013). Echenoz et moi, ça ira donc à l'année prochaine.

Mais je continuerai de vous lire régulièrement!

Claudio