samedi 15 septembre 2012

Rien ne s'oppose à la nuit, par Delphine de Vigan, éditions JC Lattès

Raconter sa vie, c'est une biographie. Raconter sa mère, et par le fait même une partie de sa vie à travers la relation qu'on a eue avec elle tombe ici dans le roman. Delphine de Vigan raconte une relation mère-fille. "Une autre", direz-vous. Oui, une autre, mais celle-là a tout du roman, et attention, l'histoire en question n'a rien d'épique ni de grandiose dans le sens de l'hommage auquel on devrait s'attendre dans un tel livre. Il ne s'agit pas non plus d'un règlement de comptes, ni d'un "vidage de sac", mais bien d'une histoire hallucinante dans son aboutissement. À lire Rien ne s'oppose à la nuit, on se demande tout simplement comment son auteur a bien pu réussir à l'écrire.



Car en même temps que le récit de la vie de sa mère, de Vigan raconte aussi la quête qui l'a mené à écrire ce livre. Elle raconte les témoignages reçus, accumule les impressions, juxtapose les différents points de vue. Si la quête est difficile et lourde comme l'histoire racontée, la lecture est loin de partager ces qualificatifs. La plume est vigoureuse et saine. On lit ce livre les yeux grands ouverts, comme devant une scène incroyable qu'on regarde à la télé. En fait, j'ai lu ce livre comme j'ai regardé des tours jumelles s'effondrer un certain 11 septembre, en n'en revenant tout simplement pas.



Cette vie de Lucile, mère de l'auteur, a tout du tragique, de théâtral même, sans pour autant mettre en scène un personnage qui a voulu sa vie comme tel. Lucile, en fait, est de nature plutôt modeste. La maladie mentale qui l'afflige fera d'elle le personnage principal de ce livre. Maintenant, d'où vient cette maladie? Comment a-t-elle été vécue tant par son porteur que ses proches? L'auteur tente d'y répondre en la racontant de son point de vue à elle.



Ce récit est celui de combattants, de gens qui ont vécu des crashs épouvantables mais dont la survie s'est avérée comme une grande victoire. Or, de "survie", il est ici précisément question. Comment vivre là-dedans, avec tout ce bagage, on se le demande tout au long du livre. De l'histoire de la famille nombreuse qui a tout pour être heureuse, on tombe bientôt dans une suite de chutes et de revers incroyables, et à travers tout ça, il y a ceux qui perdent et ceux qui restent, et parmi ces derniers, il y a l'auteur.



Un récit familial touche, concerne chacun d'entre nous. Combien de fois dans notre vie nous remémorons-nous, à l'occasion, des moments qu'on décide de mettre de côté, d'oublier volontairement pour toutes sortes de raisons. Ici, de Vigan confronte ces moments un par un jusqu'à la fin, qui est aussi tragique que tout ce qui pouvait arriver au terme d'une telle vie.



Ce livre est lourd, oui, mais on n'en ressort pas déprimé, juste abasourdi. Comme quoi, si elles sont bien racontées, même les vies les plus grises peuvent parfois donner des histoires aux couleurs fortes.



Vraiment, quelle histoire!

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