lundi 9 avril 2012

Arvida, par Samuel Archibald, éditions Le Quartanier


Certains livres, et c'est rare, sont propices à émousser le chauvinisme du lecteur. Les raisons sont généralement géographiques, comme en ce cas. J'avais tout pour m'accaparer l'Arvida de Samuel Archibald puisque sans être le mien, ce fut celui de ma mère et j'ai grandi juste à côté. Or voilà, je le lui laisse. Parce que son Arvida à lui est mille fois plus beau que le mien. Et c'est très bien ainsi.

J'ai hésité longtemps avant de me le procurer. Je craignais un truc folklo-nostalgique racontant les clichés de mon coin de pays, jusqu'à ce que j'aperçoive ce petit mot un peu excentré: "histoires". Son pluriel m'a charmé, l'audace du mot aussi. Les nouvelles ne m'attirent pas spécialement. Mais les histoires, oui. C'est tout à fait le mot qu'il fallait utiliser.

Les critiques de ce recueil qui a connu, à juste titre, beaucoup de succès au Québec parlent de l'auteur comme d'un conteur. Pourtant, il n'est pas question ici de contes. Ni de nouvelles. Ce sont bel et bien des histoires. Une histoire, c'est souvent ce qu'on reproche à quelqu'un de nous raconter, c'est souvent ce dont on qualifie une anecdote particulièrement remarquable. C'est aussi ce que les mamans racontent à leurs enfants avant de s'endormir. Pas que Samuel Archibald, m'ait endormi. Loin de là. Je l'ai juste lu comme on écoute quiconque nous raconter quelque chose.

L'histoire, dans le contexte géographique du titre de ce livre, laisse entendre que ce qui est raconté l'est par quelqu'un d'habile avec les mots et bien souvent avec les gestes. Une histoire, pour autant que je m'en rappelle, ne nous laisse pas indifférent parce qu'elle nous laisse pantois. On se demande si elle peut être vraie, parce que ça se pourrait, et d'un autre côté, il est fort possible qu'elle ait été inventée. Donc, ne raconte ni n'écrit pas une histoire qui veut. C'est un art.

Le prétexte d'Arvida ajoute à l'atmosphère. Dans un coin de la planète sans trop d'histoire, Arvida représente l'élément mal aimé, mais tout aussi fantasque, presque mythique. Arvida n'a pas cent ans mais est déjà prétexte à plusieurs histoires parce que la sienne propre se distingue. Archibald y met en scène des gens du cru, dans ce qu'ils ont de plus actuels, de plus vrais, en mettant en valeur leur côté "personnage". À chaque histoire, un "je" ou un "il" prend la place principale et autour de lui ou d'elle virevoltent d'autres personnages soit aussi forts en gueule que le narrateur, soit suffisamment délurés ou fous pour qu'on leur porte attention. Parce qu'Archibald le sait, une histoire, c'est souvent prétexte à exagération, aux racontards et aux suppositions. Quel beau matériel pour exciter l'imaginaire.


Dans un tel recueil, on préfère toujours certaines portions à d'autres. Pour ma part, une se démarque particulièrement; "Chaque maison double et duelle", ou le narrateur est tellement vrai que je l'entendais parler, je le voyais me regarder en racontant son histoire de maison ou de vie hantée, c'est selon. Cet auteur fait si bien parler ses personnages qu'on les croit même s'ils nous racontent des histoires. C'est là, précisément là, où mon chauvinisme entre en jeu. Arvida et ses environs pullulent de gens comme ça, et la photo rendue par Samuel Archibald en est très claire. J'aime ces histoires, même celles à dormir debout.

Que dire de cette histoire où un groupe de gars pas vraiment fiables essaient de faire passer la frontière canado-américaine à une une pauvre immigrée colombienne. Doù viennent les gars en question? Je vous le donne en mille... Ça ajoute à une histoire pareille, croyez-moi. Et cette entrée dans la vie adulte, toute en beauté, toute en silence, sur les monts bleus et blancs qui surplombent Arvida et sa région.

Je vois là une voix de la trempe d'un Nicolas Dickner. Le style est différent, mais la force et la souplesse sont les mêmes. Arvida charmera tant les Arvidiens que ses visiteurs d'outre-mer. C'est là le genre d'ouvrage qui nous donnerait l'envie de lire d'autres auteurs québécois, mais aussi de relire Samuel Archibald, dont j'espère un roman à venir, que j'imagine déjà excellent.

Encore!

1 commentaire:

Guillaume a dit…

Je suis le cousin de Samuel Archibald. Arvida est un excellent livre (que je plogue allègrement dans mon blogue), justement parce que je crois que ses histoires familiales nous touchent tous.