dimanche 4 décembre 2011

Melancholia II, par Jon Fosse, éditions Circé


Rien à voir avec le film de Von Trier. À tout le moins la coïncidence laisse-t-elle supposer qu'une certaine mélancolie fasse partie de l'âme scandinave.

Paru en 2002, ce livre-ci me permet de continuer ma découverte de Jon Fosse qui situe ses actions dans la Norvège d'il y a environ cent ans. Ici, il s'agit d'une journée dans la vie d'Oline. Elle montera la côte qui mène à sa maison, la redescendra puis la remontera enfin. Et tout ça lentement, car Oline a mal aux pieds. Elle est vieille, elle oublie tout mais qu'elle est vieille, ça, elle le sait.

Rarement entrera-t-on aussi précisément dans la tête d'un personnage. L'écriture de Fosse, c'est du brut, de la matière d'origine, sans rien d'autre que les mots qui passent dans la tête d'Oline. Les mots, puis les images, les souvenirs, puis paf! retour à la réalité, elle marche, elle a mal, et où est elle, et qui est-ce là-bas?

Posé sur ma table de chevet, sur ma table, ce livre m'a appelé souvent. Juste deux pages, parfois, et j'étais là avec elle. Elle aura eu plusieurs enfants, oui, mais de ça, on n'en saura pas plus. Comme de ses 12 frères et soeurs. Deux seuls auront pris toute la place, dont un en particulier. Oline se souvient de Lars, le peintre, l'homme dérangé, différent. Et sans jamais juger quoi que ce soit, elle se souvient, les images s'enfilent difficilement, et ainsi vont les mots. Comme on souffle pour avancer, un mot, une phrase se répète. La mémoire vient puis part, et ainsi les mots, petit à petit. Car dans le monde de Jon Fosse, ce sont des gens de peux de mots. On ne s'explique rien. On constate, c'est tout. Et de là tout l'art de donner la parole à des gens peu bavards. Fosse les fait regarder, comprendre avec les yeux. Ici, des regards valent encore plus qu'un livre.

Une telle écriture est foudroyante. Moins de 150 pages vous chavirent. Et si, comme moi, vous désirez pousser peut-être un peu plus loin, vous découvrirez que la superbe image choisie pour décorer ce livre est de Lars Hertervig, un peintre norvégien du 19e siècle, et que cette histoire est la sienne, et que cette façon de raconter est unique.

À la limite de la poésie, mais pourtant racontée comme un récit, Melancholia II a confirmé Jon Fosse parmi mes plus grands, mes meilleurs, mes plus forts. Si vous aimez lire pour créer une ambiance, si vous aimez la lenteur avec des finales fortes, une écriture modeste, économe, sans grands mots, mais complètement hypnotisante, découvrez Jon Fosse vous aussi. J'aimerais pouvoir partager avec d'autres mon espoir de le lire encore.

4 commentaires:

Amélie a dit…

C'est la première fois que j'entends parler de cet auteur, mais ce billet me donne très très envie de le découvrir. Merci!

Alain a dit…

J'espère très sincèrement que vous l'apprécierez autant que moi et si tel est le cas, ne vous gênez pas pour venir en reparler ici!

Anonyme a dit…

Peut-être aurait-il fallu mentionner le nom du traducteur (Terje Sinding) ?

Alain a dit…

Absolument, oui, le travail du traducteur est tout à fait digne de mention. Merci beaucoup de nous le nommer ici!