samedi 5 novembre 2011

La grande maison, par Nicole Krauss, éditions Boréal


Il y avait eu "L'histoire de l'amour", il y a quelques années. Nicole Krauss récidive avec la grande maison et j'ai encore craqué.

Quatre histoires se chevauchent. À première vue, on croit qu'on pourrait s'y perdre mais non. Dans chaque histoire traînent quelques cailloux des autres récits qui avancent en parallèle. Au centre de tout ça, il y a toutefois un objet commun: un bureau. Il se promènera de Jérusalem à New York en passant par Londres. Autour de lui, des personnages qui racontent leur vie ou un épisode et qui tous tournent autour de la même question: est-ce que je joue le bon rôle? Tout ça chacun dans leurs vies respectives. Et comme une spirale, comme dans "L'histoire de l'amour", tout se rapproche jusqu'à ce qu'on relie tous les fils.

Krauss écrit avec grâce. Elle ramène à la surface des choses profondes, fait poser par ses personnages des questions qu'on n'ose pas se poser soi-même. Oui, on parle un peu de tortures, de celles qu'on s'inflige à soi. Parce que voilà, côté auto-critique, di genre "je suis né; coupable" l'esprit juif s'y connaît. Krauss fait tremper ses histoires dans le passé et le présent de ce peuple encore considéré comme étrange, tant par les autres que par eux-mêmes. Ça pourrait sembler cliché, ça pourrait même taper assez sérieusement. On a beaucoup vu et lu sur un certain misérabilisme juif ces derniers temps, mais Krauss en traite autrement. En fait, chose rare, elle ne traite personne en victime des autres mais bien d'eux-mêmes. Aussi, inévitablement, ça vous rejoint. Que l'on traîne un héritage judéo-chrétien ou pas, on se reconnaît beaucoup dans ce qu'écrit Nicole Krauss.

J'ai hésité avant de me procurer ce livre parce que j'avais peur d'être déçu comme je l'ai été d'autres auteures féminines américaines qui, après un succès littéraire, sont ensuite tombé dans des espèces de fictions psychologiques vaguement freudiennes. J'ai retrouvé ça aussi dans ce livre. En fait, il s'agit de mon seul reproche: ces courtes scènes où l'auteure fait raconter leurs rêves à ses personnages. On dirait un tic d'écriture. Dans cette histoire en tout cas, les trois ou quatre fois où ça arrive, c'est à peu près inutile. À chacun sa religion, dirais-je... mais mis à part ça, La grande maison est un livre captivant qui contient des dialogues très forts, dont un en particulier où un un père parle à son fils, en fait ou il pourrait parler à son fils. Krauss fait dire à cet homme tout le non-dit, tous les mots qu'un père aurait pu dire à un fils... et qu'il ne lui dira jamais. L'approche est bouleversante, comme plusieurs autres scènes, dont la fin.

Nicole Krauss est sans contredit une grande auteure. Ses livres sont rares. Je ne lui en connais que deux et jusqu'ici, je ne saurais que la recommander.

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