lundi 30 août 2010

Infrarouge, par Nancy Huston, Éditions Actes sud/Leméac


Bon. Attaquons le sujet de front. J'ai abordé "Infrarouge" avec un horrible préjugé, de quoi être banni de vos esprits à tout jamais: Nancy Huston, c'est de la littérature féminine. Hey, oh, attendez, je parle ici d'un préjugé de départ!

Jusqu'ici, j'avais lu Dolce Agonia et surtout entendues plusieurs entrevues et lus plusieurs textes sur elle. Nancy Huston séduit, très assurément, et sa parole est digne d'attention. Rarement aie-je entendu de mauvais commentaires à son sujet. Avec raison. La dame écrit bien, juste, et franchement, tout comme elle parle. Les histoires qu'elles proposent ne m'ont toutefois jamais particulièrement attiré. À lire Infrarouge, qu'une critique quasi dithyrambique et la recommandation d'amis m'ont incité à me procurer, j'ai compris pourquoi.

Une quarantenaire, montréalaise d'origine exilée à Paris pars en voyage de quelques jours avec son père et sa belle-mère. Le père en question est d'origine juive. Intellectuel bien de son temps, il a été du mouvement LSD et vit une retraite ordinaire. Bien sur, il est torturé. En littérature française, généralement, si un personnage est d'origine juive, il possède de fortes chances d'être torturé. Et ainsi va sa descendance. C'est un fait.

La dame a eu plusieurs amants et ne s'est jamais vraiment fait chier du côté sexuel. Elle a tout vécu avec plusieurs. Là, elle s'offre une petite pause avec papa et belle-maman. Oedipe n'étant jamais bien loin, le prétexte sera trop excellent pour ressasser le passé.

Le récit du voyage, de la rencontre de deux univers autrefois unis et maintenant séparés par l'âge, par le temps, est fascinante. Rien n'est facile, tous marchent sur des oeufs toujours malgré toute la bonne volonté du monde. On s'aime mais on ne se reconnaît plus. Les parents perdent le leur lustre auprès de leurs enfants, et ces enfants rendus vieux sont atterrés par le pathétisme de la vieillesse de la génération qui les précède.

Ceci dit, le personnage principal, la quarantenaire en question, a une "amie intérieure" avec qui elle cause, d'où les constants flashbacks sur des histoires de son passé: des amants, des naissances, des relations parentales et beaucoup, beaucoup d'allusions au sexe, comme un refuge, une raison d'exister, de se dire qu'elle a un corps, un caractère, un "moi" bref, déjà, ça sent l'analyse psychologique. Puis survient le fin du fin en la matière: la fameuse description de rêves, inévitablement suivis de conversations avec l'amie intérieure en question.

Bon. Les rêves. Ça m'a inévitablement rappelé Siri Hustveldt dans "Élégie pour un Américain". C'est beau, sensible, bien écrit et puis soudain, paf!, ça tombe dans l'auto-psychanalyse. J'y suis allergique. Les références à la psychothérapie on ceci d'intouchable et d'incontestable qui me rappelle les sournois commentaires d'ordre religieux que contenaient les ouvrages d'autrefois. Ces références inhibent l'imagination, elles donnent un cadre à notre pensée, à notre propre interprétation des personnages. Je trouve ça harassant, doctrinal. Ça m'énerve.

Maintenant, quant à dire s'il s'agit d'une caractéristique de la littérature féminine, j'ouvre ici le débat.

Dommage quand même. Nancy Huston sait décrire. Ses mots glissent facilement entre le chaud et le froid et passent bien. Malheureusement, cette incursion dans le monde rendu trop commun de l'interprétation psychanalytique des personnages m'a peu touché. Pas que c'est mauvais, loin de là.

C'est juste un gros "ah non pas encore..."

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