jeudi 31 mai 2018

Entrez dans la danse, par Jean Teulé, éditions Julliard

Je suis loin d'avoir tout lu de Teulé, mais son Charly 9 m'avait énormément plu. Avec Entrez dans la danse, j'ai retrouvé l'auteur qui sait marier style loufoque, scènes horribles et contexte historique.

Dès l'entrée, deux scènes se succèdent où horreur et révulsion sont les moindres des sentiments qu'on éprouve. Disons-le, c'est rébarbatif. Puis, sans trop de flafla, on entre sitôt après dans le vif du sujet, c'est à dire qu'un personnage se met à danser dans la rue.

On est à Strasbourg en 1518. La ville, autrefois prospère, est en pleine canicule combinée à une sécheresse, fléaux qui en jouxtent bien d'autres: peste, famine, perte de récoltes, rien ne va plus pour le petit peuple. Cette misère extrême en poussera certains à l'accomplissement d'actes épouvantables comme ceux décrits d'entrée de jeu et dont je vous épargne la description. C'est à la suite d'un tel acte qu'un personnage prendra la rue et se mettra à danser comme une folle, comme ça, sans raison. À sa vue, plusieurs la suivent et font pareil. Et voilà que le mouvement grossit et que ça ne s'arrête plus. Bientôt, une majeure partie de la ville passe son temps à danser sans arrêt dans les rues, et bien souvent jusqu'à ce que mort s'en suive. Mais qu'est-ce qui explique ça?

Teulé fait sa propre interprétation de ce fait tiré de l'histoire réelle de la ville de Strasbourg en mettant en scène des personnages existants et sans doute inventés. Parmi les existants, on remarque le maire, bien embêté, et l'évêque, scandalisé. Or, les greniers de ce dernier débordent et le maire le sait. S'ensuivent les affrontements que l'on devine entre le civil et le religieux. Avec les mots de Jean Teulé, ceci constitue les moments les plus truculents du livre. Cet auteur a des dialogues bédéesques où les expressions empruntées frôlent l'anachronisme, et c'est là, avec la recherche historique, ce que je préfère de Jean Teulé. Par contre, là où ça passe plus bizarrement, c'est dans l'histoire des pauvres victimes. Les situations décrites sont tragiques. On imagine que la situation l'était, oui, mais il y a quelque chose qui m'a fait souvent penser qu'on était dans le "trop". Oui, on en apprend un peu des métiers exercés, des conditions sociales de chacun, mais j'aurais aimé que Teulé développe davantage la psychologie de ces personnages sans doute inventés, mais pourtant au coeur de cet événement. On devrait ressentir une tristesse, de l'empathie, mais non...

Bref, pour l'ambiance historique, l'anecdote historique et la forme écrite: oui, mais pour le scénario, je reste un peu sur ma faim. Si vous ne connaissez pas Jean Teulé, je vous suggère fortement Charly 9. Un personnage historique réel (le roi français Charles IX) qui ne l'a pas eu facile. Raconté par Teulé, c'est jouissif.

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