lundi 4 décembre 2017

Les inquiétudes, par Jean-Simon Desrochers, éditions Les Herbes rouges

Lorsqu'ils parlent de ses romans, la plupart des chroniqueurs parlent de "romans chorals". Les histoires parallèles de multiples personnages réunis par un même thème demeurent la spécialité de Jean-Simon Desrochers. Le lire, c'est un peu comme regarder une websérie en rafale, avec des épisodes courts. Ça change constamment. On ne s'ennuie jamais. Ça c'est la forme. Ça demeure, à mon sens, irréprochable. Le talent que j'ai découvert avec La canicule des pauvres, en 2010, demeure.

Maintenant, il y a aussi le fond.

Comme dans ses romans précédents, Desrochers peint des personnages qui, pour la plupart, la jouent dure. Ici, le thème commun est un quartier où, comme prémisse de départ, un enfant est porté disparu. Comme dans La canicule..., on se situe dans l'est de Montréal. D'ailleurs, à un certain moment donné, apparaissent des personnages de La canicule des pauvres. Pour qui l'a lu, le moment est jouissif. On retrouve de vieux amis et on ne peut que s'en réjouir. Qui n'a pas lu ce précédent roman ne sera toutefois pas perdu. En tout cas, pas à cause de ça.

La signature Jean-Simon Desrochers, c'est aussi beaucoup de sexe. Beaucoup. Et comme tout ce qu'il écrit, ça se tient, c'est pertinent, et surtout c'est différent d'une scène à l'autre. Très différent, du torride au plus glaçant, et ici plus que jamais. Loin du roman érotique, on sourit parfois à ces scènes et à d'autres, eh bien, j'ai déposé mon livre un peu. Parce qu'avec Les inquiétudes, un auteur aura réussi à me choquer. Je pense qu'il faut le faire. C'est en soit une réussite. Et c'est, à ma grande surprise, en matière de scène sexuelle que j'ai frappé mon mur.

Je crois que pour être choqué, il faut d'abord être surpris par quelque chose de nouveau. Ici, j'ai lu des scènes dont je n'avais jamais rien lu de tel avant. Et pourtant j'ai beaucoup lu, il me semble. Or voilà, l'auteur va loin dans l'horreur. On ne parle pas ici de fantastique ni de tripes et boyaux, enfin, pas trop, mais plutôt dans les tabous. Il nous les jette en pleine face, sans trop qu'on ne les voit venir. Vraiment, il faut le faire. Bien écrit, ça passe, mais une fois choqué, on redevient difficilement indulgent. C'est ce qui m'est arrivé. Après avoir été sérieusement dérangé (je ne décrirai pas les scènes en question, ça serait trop en dire du livre), j'ai lu le reste du livre avec appréhension, craignant de revivre un sentiment désagréable. Or oui, ça revient parfois, cette violence crue mais pas gratuite pour autant. Et pourtant, il y a d'autres scènes qui sont bien loin de là dans Les inquiétudes. Bien sur, le titre l'indique, ça ne va pas trop bien pour les habitants des environs, mais il y en a qui vivent d'heureuses découvertes, une rédemption, un amour, même. C'est là où la multitude des tableaux fait son effet on change d'air au fil des pages, fort heureusement, parce que parfois, ça sent vraiment pas très bon...

Pour le reste, j'ai remarqué de petites choses comme le fait que de ses personnages, plusieurs sont reliés au monde des médias. On croise en effet une animatrice télé, un ex-animateur de radio, une journaliste. Pas de critique sociale ici, enfin, pas sur ce milieu en particulier. Une seule constatation: eux, comme les autres, vivent des vies ordinaires.

Alors voilà, les Inquiétudes est le premier d'une série de deux livres, la série ayant pour titre : L'année noire. Le deuxième livre est déjà sorti. Si ça avait été le cas en 2010 après la sortie de la Canicule des pauvres, je me serais jeté sur une deuxième partie alors que cette fois, je vais attendre. Combien de temps? Je l'ignore. Et pourquoi? Parce que même si Jean-Simon Desrochers écrit des livres unique dans un style unique, cette fois, il a poussé mon bouchon trop loin. Dans le domaine du sordide, j'ai atteint ma limite. Je ne lui en veut pas. Enfin, c'est dommage parce que je l'aimais beaucoup. Mais bon, j'imagine que lui et son éditeur assument qu'en sortant d'un tel livre, on risque de ne pas avoir nécessairement envie d'y retourner. Mais si vous avez aimé ses autres livres, franchement, vous devriez aussi essayer celui-là.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Enfin de retour! Vos chroniques me manquaient.

Alain a dit…

Merci!
Je continue, c'est certain!