jeudi 4 août 2016

Nord Alice, de Marc Séguin, éditions Leméac

Le narrateur vient de gagner Kuujjuaq, où il travaillera comme médecin d'urgence à l'hôpital. Son arrivée dans le Grand Nord s'est fait rapidement, sur un coup de tête, après avoir rompu avec son Alice. Tous deux vivaient à New York. Ils y étaient médecins, lui, Québécois, elle, Inuit. Elle est est resté à New York. Lui a décidé d'aller vivre là d'où elle vient, pour l'oublier et travailler comme un déchainé.

Le narrateur se raconte: son bout de vie avec cette femme, sa passion, leur rupture; sa vie dans le Grand Nord, son travail, ses patients, le quotidien à Kuujjuaq, et en parallèle, il nous offre aussi le récit de ses ancêtres, à partir de son arrière-grand père, jusqu'à son père. Ces trois histoires n'en font qu'une et le résultat est absolument brillant.

Lire Marc Séguin ne me tentait pourtant pas tellement. La foi du braconnier, que j'avais lu il y a longtemps, m'avait laissé une impression de "tapage sur les nerfs". Puis bon, aussi, faut bien se l'avouer, c'est de genre de personnage "qui a tout": peintre de talent hyper-reconnu, totalement intéressant en entrevue, beau mec, intelligent, je n'avais sans doute pas envie de le voir aussi réussir en littérature. Et pourtant oui, il le fait, et fort bien.

Son écriture est d'abord très particulière. Les phrases sont courtes. On lit Marc Séguin lentement. On entend son narrateur raconter lentement, on l'entend prendre de grandes respirations entre ses phrases, ses pensées. Avec lui, on est triste dès le départ, fortement triste. Puis on se détache un peu de la difficile rupture en plongeant dans le passé de ses aïeux, en se demandant un peu ce que ça fait là. Puis on retourne au temps présent, où son passé récent avec Alice et son présent de célibataire à Kuujjuaq nous captivent. Les descriptions de la vie dans cette région trop peu connue sont saisissantes. Bon, peut-être que les mésaventures de médecin urgentistes semblent parfois un peu "trop". Tant de drames dans une si petite communauté surprennent un peu. Mais on s'en fout parce qu'au fil des pages, il y a au-delà. On voudrait partir pêcher le saumon ou l'omble de l'Arctique avec lui. On aurait voulu avoir connu son père et au bout du compte, on aimerait qu'il la revoit, son Alice, et qu'il lui dise tout ce qu'il voudrait lui dire. Parce qu'à force, Marc Séguin fait une vibrante démonstration: au fil des siècles et au fil de la vie de son narrateur, oui, le temps fait bien les choses. Il faut lui faire confiance.

J'avoue que ce livre m'a happé. Calme et fort, son ton et son histoire plaira à ceux qui savent ce que vaut une peine pour apprendre sur soi.

Superbe, vraiment.

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