lundi 3 novembre 2014

La ballade d'Ali Baba, par Catherine Mavrikakis, éditions Héliotrope

Tour juste sorti des souvenirs d'enfance de Paul Auster, me voici, sans avoir vraiment voulu que ça arrive, qui émerge maintenant de ceux de Catherine Mavrikakis. Ce que je veux dire ici, c'est que deux fois ce même thème du retour sur l'enfance, c'est lourd. J'aurais du faire attention.

On ne peut reprocher à quiconque de raconter son passé. Pour plusieurs écrivains, on dirait même qu'il s'agit d'un passage obligé. Certain qu'il s'agit d'une source fertile d'inspiration, on le constate à lire Mavrikakis. Mais à l'autre bout, en tant que lecteur, il faut être disposé.

J'aime les auteurs pour leur imaginaire, leur façon de m'aider à m'évader du quotidien, de ce que j'appelle encore naïvement "la vraie vie". Lorsqu'ils me ramènent à des tranches de vie déjà vécue, je me rabat sur leur façon d'écrire et l'originalité de leur récit. C'est alors qu'ils m'embarquent. Mais si rien de tout cela n'arrive, on seulement une partie, j'aurai plutôt l'impression d'être témoin d'un genre de thérapie plus ou moins saine. Ici, avec Mavrikakis qui part dans toutes les directions du temps d'un chapitre à l'autre, qui va de l'enfance de son père en Grèce et en Algérie à la sienne de l'autre côté de l'Atlantique, avec des bouts de fiction où elle vit des aventures avec le fantôme de son père, je n'ai rien à reprocher pour l'originalité du traitement. Alors qu'a-t-il manqué pour que j'aie terminé ce livre avec soulagement?

On n'en est pas au premier modèle de mauvais père des années 70, à plus ou moins dix ans près, au modèle du père irresponsable, libéré du poids d'une enfance rude qui fait de sa "nouvelle" vie quelque chose d'aléatoire, tourné vers des besoins égoïstes. Pourtant, au contraire des portraits de pères québécois, on a ici une variante intéressante en ce que l'auto-dépréciation et le remords ne prennent pas une trop grande place. Restent de grandes parts d'ingratitude, d'absence, mais aussi d'amour, d'urgence de vivre qui font d'une telle vie une histoire à raconter. C'est bien, ça traverse non seulement le temps mais aussi la géographie, mais à force, je m'aperçois que ça me lasse un peu.

Et il y a quelque chose d'autre... Habitante de Montréal, où elle est né, j'ai perçu chez Catherine Mavrikakis, la citoyenne montréalaise, une espèce de non-amour pour sa ville, pour sa position géographique. C'est possible, j'en conviens. On ne perçois pas tous son lieu de résidence de la même façon. Mais ça m'a agacé, voir déçu. J'ai toutefois compris la force de cette écrivaine qui a su si bien raconter l'Amérique, dans son tout américain. J'ai compris que c'est le continent qu'elle habite, et non la ville. Voilà pourquoi elle saura sans doute me faire voyager encore comme elle l'a fait avec Le ciel de Bay City beaucoup plus qu'avec des chroniques sur le lieu où nous habitons tous les deux. Il y a les écrivains du lieu, ceux du temps et ceux du monde. Je place Catherine Mavrikakis dans la troisième catégorie, qui lui va très bien. Pour le reste: ça me va moins.

Cette ballade d'Ali Baba, en fait, prend tout son sens dans une escapade faite au sud des États-Unis, à partir de Montréal. C'est son point de départ et son point de chute... et c'est là où moi, j'ai plutôt décidé de ne pas embarquer.

Pour le rêve américain, tant celui de son père que pour le sien: oui, il faut lire ce livre. Pour le reste, si ce rêve ne nous soulève pas, on fait comme moi et on reste au port en trouvant le temps long.

1 commentaire:

Claude Lamarche a dit…

Tu résussis bien à cerner le pourquoi tu aimes et le malaise du pourquoi tu aimes moins. Merci de ta franchise.
N'étant jamais demeurer à Montréal (bon pas loin mais quand même) ni en Algérie d'ailleurs, je verrai bien par moi-même.