jeudi 9 mai 2013

Maus, par Art Spiegelman, éditions Flammarion

Ce blogue contient peu de classiques. Enfin... je parle de "classique" au sens de "qui a déjà fait sa marque" ou "dont la renommée n'est plus à faire". C'est une chaude recommandation d'un membre de mon entourage qui m'a fait lire ces deux recueils, Maus I et II, sans quoi, le septique un peu fatigué des histoires de shoah, thème maintes et maintes et maintes et maintes fois abordé en littérature, la plupart du temps du temps pour le meilleur, mais trop souvent pour le pire, aurait passé par dessus sans en demander son reste.

C'est le traitement du dessin qui m'a attiré. Dans cette histoire où un survivant des camps de la mort raconte son histoire, les Juifs sont des souris. Chaque autre peuple aura sa caractéristique animale propre. Peu de place pour les mélanges, ça va de soi. Spiegelman résout cette question par une interprétation personnelle. Ainsi, une Française qui n'est pas née juive sera souris. Il y a de quoi: c'est la compagne de vie du narrateur et auteur de cet ouvrage.

En plus de raconter l'histoire de son père, Spiegelman présente en parallèle l'histoire de la narration de ce récit d'un père à son fils. Aussi voyage-t-on régulièrement d'une époque à l'autre. Tout ça est très bien fait, sans perdre le lecteur, bien au contraire...

La force de l'oeuvre de Spiegelman est de réussir à raconter une histoire passé et de démontrer en même temps ce qu'il en reste au temps présent. La mémoire joue ici un rôle central, pas qu'elle soit glorifiée, mais elle s'impose. Certaines choses ne s'oublient pas, ne disparaissent pas. Certaines choses nous font, nous forment, pour le reste de notre vie et c'est souvent ça le drame. En fait, les Maus nous font comprendre une grande part de l'âme d'un peuple. Sans que les générations actuelles aient vécues le drame historique d'il y a quelque 70 ans, il n'en demeure pas moins qu'elles en subissent encore peut-être les conséquences, bonnes comme mauvaises. Tel est le constat du narrateur, exaspéré par les comportements d'un père du genre maniaco-obsessif qui a vécu sans doute les pires affres, mais pris lui aussi avec ses doutes, ses tiraillements. Il comprend et supporte à la fois ce père difficile à comprendre et à supporter.



Que cette histoire soit racontée avec des dessins et des phylactères ne la rend pas plus facile pour autant. À tout le moins stimule-t-elle plus, pour ne pas dire "mieux", notre imaginaire. L'anthropomorphisme ajoute aux sentiments qu'on éprouve à l'égard des personnages. Et chaque animal se ressemble. Mis à part ses vêtements et accessoires, chaque souris ressemble à aux autres. Aussi on se rend compte que finalement, c'est bel et bien un peuplequ'on raconte, et non des individus. Le dessin n'est pas spécialement beau. Pas qu'il soit laid, mais c'est sans artifice, quoi qu'on s'attache vite aux petites bêtes dont l'auteur sait nous rendre les tréfonds de l'âme par d'habiles coups de crayon. Les images les plus dures (et certaines le sont particulièrement) passent-elles mieux de cette façon? C'est possible. Elles ne laissent pas indifférent pour autant. Ainsi, à un certain moment donné, les personnages prendront "tête humaine" et porteront des masques d'animaux. À nous, lecteur, de s'en faire une interprétation.

En bref, tout, dans Maus, est matière à réflexion, parce que plus que l'histoire d'un simple fait historique, il nous fait penser à ce qui advient après, à ce qui arrive maintenant, et à ce qui pourrait bien arriver ensuite.

Très, très fort. Un classique, quoi.

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