jeudi 21 février 2008

Nous seuls, par Emmanuel Kattan, Éditions Boréal


Tout d'abord, merci encore pour les commentaires. Le but n'est pas de les accumuler mais de constituer ensemble un grand forum objectif qui permette à qui n'a pas lu ces livres d'avoir envie (ou pas) de le faire. J'ai parcourru d'autres blogues dans le genre de celui-ci, récemment. Curieux de constater combien la plupart s'en tiennent au communiqué de presse ou à la quatrième de couverture. Y aurait-il des gens qui font des critiques sans lire le livre? Sans voir le show? Sans avoir écouté le disque? On peux pas croire, hein? Noooooon!

Sur Nous seuls, je dirai que des articles de journaux sur lui m'ont donné envie de le lire. On en disait le plus grand bien. J'ai aussi entendu l'auteur en entrevue et son bagout m'a charmé. Le livre aussi. En le lisant, plus j'avançais et plus je me disais que ça a dû être un vraie expérience pour son auteur que d'aller jusqu'au fond de son histoire. Kattan est allé là où on va rarement, soit jusqu'au bout d'un sentiment, et même plus: au-delà, en ces endroit où on peut se retrouver si on laisse tout aller, aussi bien le meilleur que le pire. Parce qu'il faut savoir arrêter ce dernier, le pire. On le fait toujours, on sait toujours calmer nos angoisses, mais ceux-là, dans Nous seuls, n'y sont pas parvenus. Cette histoire aurait pu être ridicule. J'ai souvent pensé au film L'Enfer, de Chabrol, avec Emmanuelle Béart et François cluzet qui joue le rôle du mec que la jalousie rend fou pour de vrai. Dans Nous seuls, c'est meilleur. En fait, Kattan fait là une analyse des rapports amoureux modernes d'une façon extrèmement froide, si lucide que la principale crainte qu'on ressent en le terminant, c'est de connaître, un jour, quelqu'un qui puisse en arriver là.

Nous seuls est écrit sans fla-fla, simplement et efficacement, mais encore, j'insiste sur la froideur, celle qui succède à l'extrème chaleur une fois que tout est consumé. Tout ça se ressent dans ce bouquin qui pourrait paraître violent pour certains. Ceux qui, en tout cas, en ressentiront la violence, l'auront très certainement compris.

Beau premier livre pour Emmanuel Kattan. On attend un suivant.

Et notons aussi la qualité des titres qui sortent de chez Boréal ces temps-ci. Comme quoi les grandes maisons d'édition ne sont pas que françaises. Oui je sais, c'est assez naïf comme commentaire, mais en cette période où tout ce qui est Québécois francophone semble ringard et inintéressant, aux détriments de tout ce qui vient d'ailleurs, je ne vous pas pourquoi je me retiendrais de souligner un succès qui provient de là où je vis, c'est tout.

dimanche 17 février 2008

Baisers de cinéma, par Éric Fottorino, Éditions Gallimard


Un gars a été élevé par son père, sa mère ayant disparu à sa naissance. Le gars cherche sa mère et son père l'énerve. Jusqu'ici, c'est classique. Mais voilà. Le père en question était photographe de grandes stars féminines françaises du cinéma de la Nouvelle Vague. Aussi, son père lui ayant laissé entendre que sa mère pouvait se trouver dans le lot, le mec charche sa mère... en visionnant de vieux films du temps. Puis apparaît cette fille étrange, mariée et mère, qui deviendra son amante dès le jour où son père est mort.
Tout ça se passe à Paris. Des rues, des quartiers, des petits cafés et des restos, en voulez-vous, en voilà. On s'y roule, ça sent Paris du début jusqu'à la fin. En fait, Baisers de cinéma est à Paris ce que tous nos rêves tirant des clichés les plus purs nous ont transmis sur cette ville. Et c'est efficace. Bie sur, y faut aimer. On pense beaucoup là dedans, à commencer par le narrateur, personnage qui, s'il était de ce mondde plutôt que dans un roman, n'aurait pas survécu à toute la brutalité du monde. Candide, volontaire et parfois naïf, le narrateur de Baisers de cinéma pourrait exaspérer mais son environnement, ses décors, en fait, sont si sympatiques qu'on l'assimile rapidement à ces derniers.
J'avoue avoir embarqué dans ce bouquin dès les premières pages. Ces références à la France des années 50 et 60 avaient ceci de Vieille-France qui m'a fait voyager sufisamement pour me retenir. Puis, l'histoire du personnage principal s'est étalée et sans décrocher, j'ai laissé aller sans pour autant m'asseoir au bout de mon siège pour le lire.
Reste que c'est un bon bouquin. Dans la lignée des Jean-Paul Dubois ou Jean Échenoz, Fottorino a le verbe et la description faciles et indiscutablement intéressantes. Aussi, bien que l'histoire soit hyper-romancée, ça se lit bien. En fait, j'aurais aimé lire Baisers de cinéma en vacances, à Paris, justement.
Bref, si vous avez envie de quelque chose de profond: abstenez-vous. Mais attention, il ne s'agit pas là non plus d'un bouquin léger. Pas du tout. En fait, on parle ici d'un livre, qui, comme quelqu'un qui passe et attire notre attention, nous fait passer un bon moment, mais s'oubliera sans doute facilement, sans laisser de traces, ni moche ni tenace.

samedi 9 février 2008

Léon, Coco et Mulligan, par Christian Mistral, éditions Boréal


Un bonhomne d'une soixantaine d'années, manifestement pas très en santé dans sa tete, roule sa boule de ville en ville avec son comparse plus jeune que lui. Arrêt sur Montréal, en 1984. On boit, on sort, on écrit, mais on aime aussi, et on regarde,on examine.
Christian Mistral a un oeil hors pair. Ce gars-là ne voit manifestement pas la société à travers des lunettes roses, mais des verres grossissant, qui permettent de voir jusqu'au fond du coeur de personnages à prime abord soit repoussants, soit pas intéressants. J'ai pas tout lu de lui, mais assez pour savoir que ces histoires tiennent autant de la chronique de "laissés pour compte" jamais trop cons, que des beuveries les plus tristes trop souvent provoquées par des blessures que ses mots rendent belles.
Une description de Christian Mistral vaut parfois le meilleur moment à écouter une musique qu'on aime ou à passer du temps avec un ami cher. Ce gars-là écrit comme certains passent leur main sur un corps aimé. Avec les années, j'suis certain qu'on l'annotera à tous les dictionnaires de citations croustillantes qui soient. Quant à l'histoire, attention: pourfendeurs de Montréal, s'abstenir. Mistral EST Montréal, dans tout ce qu'il a de plus langoureux, vil, cheap et attachant. Si j'avais lu cette histoire dans le temps où il la situe, en 1984, du fond de ma région, j'aurais sans doute fait mon baluchon pour aller trainer, moi aussi, autour de la rue Prince-Arthur. Avec les mots de Mistral, ce coin-là vaut tous les rêves d'ados et d'artistes wannabes, et Léon et Coco valent bien qu'on leur porte attention.
Léon, Coco et Mulligan n'est pas très long, et vaguement joyeux, si on le compare au reste de l'oeuvre de Mistral. Ça n'empêche pas l'auteur d'y placer quelques scènes coup de poing, comme lui-seul peut les écrire ou peut-être même les penser.
Du beau, du bon Mistral. À lire ce printemps, dans un parc, adossé à son arbre préféré.
Pour ce qui suivra ce bouquin, faut que je dise qu'y a tellement de titres intéressants sur les étagères de ma librairie ces temps-ci que je crains de mettre un terme à toute vie sociale d'ici l'arrivée du printemps. Et notons que ces envies de plonger dans de nouvelles découvertes proviennent pour la plupart d'éditeurs québécois. Des succès littéraires québécois? Et on n'en parle pas plus que ça? Mais non, un film poche américain sera toujours plus... bon ok, du calme. À mes bouquins!