lundi 8 octobre 2007
Cette histoire-là par Alessandro Barrico Gallimard
C’est un très heureux hasard qui me fait commencer par un de mes auteurs favoris. J’ai récemment terminé son dernier ouvrage, Cette histoire-là.
J’ai découvert Barrico avec Soie. Le titre avait connu beaucoup de succès, j’étais donc septique, voir méfiant. Je ne sais ce qui m’a fait me le procurer, sans doute la recommandation d’une personne de mon entourage. Je me rappelle l’avoir parcouru “à dos de chameau”, au rythme lent de l’envouté. Rarement je n’avais perçu une telle sensibilité. Ce mec-là est assurément un contemplatif, un amoureux de sa langue dont la tête doit contenir une quantité infinie d’images superposées. J’ai terminé Soie dans l’autobus, entre le travail et la maison. Il m’avait eu. Jamais n’avais-je soupçonné que les lettres du Japon étaient écrites par Hélène. Je découvris ça assis à l’arrière du bus, entre deux quidams avec plein de gens debout en face de moi. J’avais certainement l’air de qui s’apprêtait à vivre une sérieuse crise d’asthme. Je manquais de souffle et l’oeil qui luisait.
J’ai ensuite vogué sur Océan Mer, dans cette maison du bord de mer avec ses personnages un peu fous, mais contenant chacun une part d’éternité, de vérité propres à chacun, et ensuite Les châteaux de la colère et cette histoire de l’aboutissement d’une belle parce qu’inutile utopie.
Pour moi, Barrico était un romantique inspiré, intelligent, poétique jusqu’à City où j’ai découvert la même sensibilité, mais drôle, cynique et souvent hilarante. J’étais agréablement surpris. De même, Sans sang, puis Homère, Illiade me frappèrent par leur ruelle dureté, avec des scènes si violentes qu’elles exigeaient une pause, histoire de reprendre mon souffle. Mais toujours, malgré l’horreur, ces alignements de mots qui glissaient si bien, que je n’ai jamais relus que pour le seul plaisir de les relire.
Je m’attend donc à être déçu de Barrico. Ça me semble évident. Rares sont les auteurs dont j’ai tout aimé à ce point. Et pourtant...
Lorsque je me suis procuré Cette histoire-là, j’étais à quelques jours de mes vacances. je me choisissais des trucs pour les vacances, le train, les bancs de parc de New York. Or c’était la “rentrée”, début septembre, et je tombai sur trois de mes auteurs préférés, plaisr inespéré. J’ai tout acheté compulsivement, Barrico, mais aussi Colum McCann avec Zoli, qui suivra bientôt Eduardo Mendoza avec Mauricio ou les élections sentimentales, que je lis présentement.
J’ai commencé Cette histoire-là dans l’interminable train qui m’a mené de Montréal à New York. Dès les premières pages, je me suis laissé embarquer par ces tableaux du nord italien du début du 20e siècle où un père visionnaire raconte l’arrivée imminente de l’automobile dans l’Histoire à son fils unique. Or, ce dernier en aura particulièrement pour les routes. Barrico en décrira les courbes fines avec le souci du détail du peintre. Les courbes d’un monticule, d’un vallon, des épaules d’une femme, toutes seront prétexte à l’élan du petit bonhomme vers une obsession qui le suivra toute sa vie durant.
La deuxième partie du livre déstabilise. Les images de la Première Guerre détonnent un peu, à prime abord, puis, à force, on comprend, jusqu’à sortir de la guerre avec le personnage principal et comprendre comment il viendra au bout de son rêve.
Pour moi, Barrico est d’abord un conteur. Ses histoires tiennent des fables dont la seule morale tient dans l’accomplissement d’un destin inévitable, Pas de morale ici, juste des désirs, des envies, des façons de vivre, mais toutes décrites lentement, avec goût, comme ce passage ou le jeune demi-frère du personnage principal prendra la parole. On comprend ce personnage par sa façon d’écrire, sans description, rien. Juste à le lire on comprend sa détresse, mais aussi sa perception, juste et tellement belle, du rêve de son grand frère. Ce passage-là est assurément le plus beau. On le constate lorsqu’on le termine.
Je recommanderais Cette histoire-là à qui n’a encore rien lu de Barrico, à quelqu’un désireux de développer son côté contemplatif tout en lisant une bonne histoire qui le fera autant sourire que pleurer un peu, peut-être, si comme moi, il se laisse emporter.
Je connais peu Barrico, l’auteur. En fait je lis peu sur les auteurs eux-mêmes. Ça a quelque chose de biographique, d’un peu voyeur qui ne m’intéresse pas. Mais lorsque je parviens à percevoir une âme au fond des mots, comme avec lui, je me plais à rêver de prendre un café avec le mec en question, juste pour qu’il me raconte comment lui viennent ses histoires. Un café avec Barrico serait, j’en suis convaincu, passionnant.
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