Faut que je l'avoue: Emmanuel Carrère est mon Walt Disney: il me raconte des histoires fantastiques de personnages dont j'aurais aimé vivre les aventures dans des décors oû je ne me retrouverai jamais. Mais voilà, ici comme dans dans plusieurs autres de ses livres, le personnage principal, c'est lui, et il se raconte à travers d'autres vies que la sienne, celles de son entourage. Faut le faire.
Kolkhoze tourne autour de ses parents, des personnages qu'il décrit aussi brillament que Disney peut le faire de princesses et de roturiers. Mais ici, les princes sont des nobles déchus, les princesses sont des intellectuelles et les roturiers sont des wannabes, en commençant par son père, dont la particule dans le nom en prend pour son rhume. Quant à sa mère, l'intellectuellissime Hélène Carrère-d'Encausse, le fils/écrivain en fait quasiment un personnage d'opéra issu d'une lignée à l'histoire ahurissante.
Bref, prenez deux personnes socialement distinctes mais quand même pas flamboyantes racontées par un écrivain qui se trouve ordinaire mais qui racone avec brio, et vous avez un livre aussi hétéroclyte que feel-good. Parce que Carrère se donne le droit de ne glorifier personne. Pour lui, les parents et la lignée qui les précède sont prétextes aux meilleures comme aux pires histoires, et aussi, incidemment, aux meilleurs comme aux pires legs. Il raconte donc son monde sans encensoir, avec lucidité, une auto-dérision souvent très drôle qui nous le rend sympathique, mais aussi un respect qu'il réussit avec nous inculquer.
Et le décor... ah, le décor. C'est Paris, ZE Paris avec les appartements de fonctions, les bureaux des Académies, les restos sur les rues célèbres, bref, si vous vous imaginez la Ville Lumière comme un cliché, sachez que ça existe, et qu'Emmanuel Carrère en fait partie, avec l'enfance dans de petits apparts, les chalets dans les montagnes, les voyages en Ukraine, les vacances en Grèce, etc.
Emmanuel Carrère a tout pour me déplaire et c'est, faut que je l'avoue, un de mes auteurs préférés. C'est pourquoi je le recommande à quiconque a peur de lui: vous ne vous ennuirez pas. Moi, je le lirai encore.
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