mardi 22 mars 2022

Ténèbre, de Paul Kawczak, éditions La Peuplade

On associe souvent Eros et Tanathos: vie et mort, érotisme et douleur. Ce livre en fait une démonstration. Dans Ténèbre, la vie lente et confortable d'Européens aisés de la fin du 19e siècle se transforme en mort longue et douloureuse en Afrique australe. Les rêves se transforment en cauchemar, les bonnes gens deviennent des bourreaux. Ambiance assurée.

Un géomètre est envoyé au Congo par le roi de Belgique pour délimiter les frontières de la colonie. Son parcours en deviendra un d'exploration, mais pas de ce qu'il espérait. Plutôt qu'un territoire, il découvrira la vraie nature des humains qui l'entourent, les colonisateurs, les peuples africains, les voyageurs, mais aussi l'amour et ses affres.

Ce voyage initiatique se terminera mal, on l'apprend rapidement au début du livre, et c'est là une des premières particularités de ce livre. L'histoire racontée est fascinante, les personnages sont superbes, le décor est grandiose. Reste la façon: l'écriture est remarquable, Kawczak utilise les mots de brillante façon. Quant aux tableaux décrits et l'ambiance créée, on découvre une imagination débordante et poétique. D'autres diront: lyrique. Qu'importe, tout, dans ce livre est intense. Et c'est peut-être ce qui m'a donné une impression de trop-plein.

La première partie du livre est enlevante. Kawczak décrit l'Afrique encore vierge que commence à violer les colonisateurs européens. Mes mots sont choisis. Ceux de l'auteur aussi. Il utilise plusieurs analogies pour raconter l'emprise de l'Occident riche sur l'Afrique naïve et offerte. Plusieurs scènes parlent, parfois crument, parfois par allusions, des horreurs vécues par les populations exploitées par les nouveaux arrivants. Il est clair que la colonisation du Congo ne s'est pas fait dans les meilleures intentions, l'auteur nous le montre en décrivant des pertes: de sens commun, d'amour-propre, de liberté, et de pudeur. L'érotisme est partout, et plus le livre avance, plus il prend de la place. Eros et Tanathos s'unissent jusqu'à s'entrelacer et finir par prendre toute la place dans une fin saisissante, mais malheureusement pas aussi forte et elle que le début du livre et certaines autres scènes.

Enfn voilà, Ténèbre, se distingue, c'est certain, par un auteur qui sait manier les mots, tellement qu'on croirait parfois que le livre a été écrit écrit par un auteur de l'époque qu'il décrit. C'est toutefois son contenu qui m'a déstabilisé. Je dois avouer avoir perdu une certaine foi avant la fin. J'ai crû au mélodrame, mais non, c'était pas ça. Malgré le titre et la couverture du livre, qui ne m'attiraient pas particulièrement, j'avais espéré queluqes lumières, suscitées par les critiques élogieuses envers le livre. J'ai bien vu ces lumières dans la description de l'époque et des lieux, mais les ténèbres des sentiments ont éteint mes espoirs. C'était trop pour moi. Érotisme et mort ne m'ont pas attirés, enfin pas cette fois.

Paul Kawczak mérite toutefois d'être lu. J'espère qu'il reviendra avec un nouveau titre pour voir où son talent d'écriture pourra encore le mener.

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