dimanche 6 mars 2022

Perles de verre, par Dawn Dumont, éditions Hannenorak

Lire deux livres d'une même autrice en très peu de temps est toujours un peu risqué. On peut s'en lasser. Mais si le contraire arrive, on en demande encore plus. C'est ce qui m'arrive avec Dawn Dumont.

On pleure pas au bingo et Perles de verre sont liés par un personnage qui pourrait être le même. Juste pour ça, j'apprécie déjà Dumont pour ce côté espiègle. La narratrice du premier pourrait bien être un personnage du second.

Alors que On pleure pas... était raconté au "je", Perles de verre l'est à la troisième personne. Nellie est une jeune avocate dont le monde rapproché est constitué de trois amis, deux d'enfance et un autre qui s'ajoutera à l'université. Des deux amis d'enfance, un a toujours été un flirt, puis un amant, et possiblement un amoureux. Mais rien n'est évident, dans cette relation, comme d'ailleurs celles entre les quatre amis.

Il y a beaucoup de "possibles" dans la vie de Nellie, elle qui se bat contre les "impossibles". Nerd, mais sociable, ambitieuse mais sans confiance en soi, rien n'est simple dans sa vie. Et dans celle de ses amis non plus, dont on pourrait dire qu'ils sont des gens "ordinaires". Mais ils ne sont pourtant pas sans histoires, de celles qui ne rendent pas la vie facile non plus. Pourtant, certains d'entre eux réussiront à porter leur carrière vers l'avant alors que ce sera tout le contraire pour les autres.

Dawn Dumont raconte ces quatre vies comme une conteuse. Ce sont les chroniques de jeunes adultes qui ont grandi dans des résèrves autochtones de la Saskatchewan dans les années 80 et qui sont devenus ce que des années, voir des décennies de désintéressement envers ont fait de la société autochtone actuelle. Dumont raconte des vies de petites jobs ramassées ici ou là, d'alcool omniprésent, de sentiments mal gérés, de violence petite, mais constante, issue de partout: de soi envers soi, de ses proches et par dessus tout, de la société qui les entoure. Par ces portraits de gens dans leur environnement, à travers leurs aventures et leurs conversations, Dumont rend compte d'une société qui se cherche, pour qui tout est difficile. Ces gens sont déracinés dans leur propre pays.

Ces portraits donnent un livre plein d'action, de dialogues puissants, de scènes touchantes et parfois violentes. Elle nous pousse au gré des vents, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre. La suite des événements racontés est parfois aléatoire et ce qui pourrait déstabiliser le lecteur fait partie de l'expérience. Ces gens ont une vie d'opportunités, ils sont poussés par le vent, changent d'idée ou de situation au fil des événements et des jours. Ainsi va l'écriture de Dawn Dumont. Ce livre est vif, parfois dur, très dur, mais plein d'une bonté dont on ne s'explique pas l'existence malgré les obstacles et les embuches.

Dawn Dumont est devenue une autrice importante pour le Canada. Son traducteur, Daniel Gauthier, y est pour beaucoup dans la transmission de ses textes en français. Sa lecture est facile, son style est enlevant. Si on rit moins que dans On pleure pas au bingo, on en sort avec le même sentiment d'attachement envers les personnages, qu'on voudrait encorager, ou aider.

Un vrai beau coup de coeur pour cette autrice.

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