dimanche 16 janvier 2022

On pleure pas au bingo, par Dawn Dumont, éditions Hannenorak

J'ai rarement ri aussi souvent et d'aussi bon coeur qu'en lisant ce livre. Et j'en suis d'autant plus ravi que j'ai constaté, en terminant cette première oeuvre de Dawn Dumont, que j'ai vraiment ri pour plusieurs raisons, et pas une seule. Intelligent, sensible, allumé, ce livre est une bouffée d'air frais pour plusieurs raisons.

Je sais pas pour vous, mais plusieurs choses me font rire. Soyons francs d'entrée de jeu: rire des autres figure en haut du palmarès, et parmi "les autres", il y a soi. Rire de soi est tout un art, qui vient avec une certaine confiance et un public très ciblé. Or, Dawn Dumont nous raconte ici des morceaux de son enfance avec une forte dose d'autodérision, une dose tellement forte qu'elle en mettra plusieurs mal à l'aise, et ce même si elle ne nous connaît pas.

Il faut dire que cette enfance se passe dans une communauté autochtone de la Saskatchewan. Cette réalité teinte tout le livre, mais pas que. Il y a aussi l'époque, les années 80. Dawn Dumont se raconte à travers les lieux, l'époque et à travers elle. Vous me direz que c'est rien de nouveau parce que l'auto-fiction, depuis quelque temps, c'est très "in". Et pourtant, la façon Dawn Dumont est unique.

Son personnage principal, c'est elle, enfant et adolescente. Geek, téméraire, casse-pied, sensible, deuxième d'une famille de 5 enfants, elle est entouré de ses soeurs et de son frère, de ses parents, et de ses multiples cousins. Ses histoires sont autant d'anecdotes qu'on raconte lorsqu'on est entre amis autour d'une table et qu'on se rappelle des choses de notre enfance. C'est cru, sans filtre, mais d'un naturel presque désarmant.
Loin du misérabilisme, l'autrice témoigne de sa vie dans une famille autochtone de l'époque avec, oui, l'alcoolisme, la violence entre enfants, l'ostracisation entre communautés, tout ça y est, mais c'est amené comme autant d'épices qui relèvent un plat. Parce que d'abord et avant tout, ce livre est la chronique d'une enfant/ado nord-américaine qui est racontée, avec ses clichés, ses peurs, ses angoisses, mais aussi ses rêves, ses découvertes, ses amours, ses haines. Le racisme et la pauverté surviennent aux moments où vous vous en attendez le moins, souvent en vous faisant rire. On rit jaune, en fait, on se surprend parfois à rire des situations incroyables décrites, et c'est justement tout le charme et l'intelligence de ce livre.

C'est parfois dur, parfois remplie d'amour. Vértable hommage à sa famille, cette oeuvre de Dawn Dumont expose crument une réalité qu'on connaît sous le spectre de nos clichés ou d'initiatives faussement bienveillantes qui voudraient faire appel à notre pitié. Là, on a le portrait vu de l'intérieur, un regard intelligent, sagace, crédible.

Immense attention à porter à l'excellente traduction de Daniel Grenier en français, disons... nord-américain. Dialogues et termes de ce coin de planète sont portés par les bons mots. Un Européen y sera totalememnt dépaysé, un nord-méricain s'y retrouvera pleinement. Quel excellent choix de traducteur.

Vivement d'autres choses de Dawn Dumont, que j'ai adoré pour son écriture vive, drôle, oui, mais brillante, et socialement efficace parce qu'elle nous éveille à une réalité qu'il fait bon voir sous de nouveaux yeux, les siens.

Une question pour la fin: sur la couverture, on indique "roman"? Vraiment? Pourquoi pas un récit? Est-on dans la fiction romanesque ou dans le récit personnel? La seconde option me semble plus juste. Comme c'est bizarre.

1 commentaire:

Danielle Delisle a dit…

Je viens de terminer la lecture et j'ai été conquise par plusieurs points mais je tiens surtout à rendre hommage au travail du traducteur. Vive les traductions faites par des gens de chez nous. Les gros mots qui nous ressemblent, la coupe Longueuil, la gomme balloune, tout est là pour nous séduire! Bravo Daniel Grenier. Quand je verrai votre nom, je ne me taperai pas la version anglaise.