La narratrice est née en Alabama de parents immigrants du Ghana. Dans son laboratoire dans une université américaine, elle travaille avec des souris à des recherches en neuro-sciences. Son sujet de prédilection est l'addiction et ce qui l'a mené là est un désir de se dépasser, pour oublier. Être la meilleure est ce qui la tient en vie.
Son père a quitté la famille alors qu'elle était très jeune. Quelques années plus tard, son frère ainé succombera à une surdose d'opioïdes. Elle reste seule avec sa mère, une aide familiale qui travaille sans relâche pour gagner une vie qui lui pèse de plus en plus et dont le seul mais puissant exutoire sera la religion.
La narratrice nous raconte la petite fille pieuse qu'elle a été, la petite afro-américaine qui découvrira au fil du temps que la seule personne si qui elle pourra se fier, ce sera elle. Rien ne viendra de la communauté évangélique sur laquelle sa mère comptait tant. Bigoteries et condescendance lui feront apprendre que le racisme qui l'entoure a contribué aux malheurs de ses parents, de son père parti, de sa mère qui se demande ce qu'elle fait dans ce pays, et de son frère, avalé par un système trop fort pour lui.
Gyasi crée une héroïne hors normes, introvertie, fragile, mais déterminée. Allumée, elle trouvera la force là où il a semblé en exister, comme dans les prières ou l'amitié, autant de refuges éphémères sur lesquels elle comptera lorsqu'il le faudra. Mais qui est vraiment dieu, et qui sont les vrais amis? On se le demandera avec elle.
Ce livre raconte une personne de notre époque qui se construit à travers les écueils de notre époque. De la fragilité, on verra surgir une force rare de ce personnage malmené pour qui le tunnel est d'une obscurité ahurissante, mais qui s'accroche à la petite lumière qu'elle y voit tout au bout. En fait, cette lumière, c'est peut-être un miroir.
Raconté sobrement mais vraiment efficacement, Transcendant Kingdom vous paraîtra parfois violent par les mots, et les attitudes, et salvateur par la résilience de ce personnage extraordinaire de Gifty. Ce livre est une autre découverte d'une société dont on connaît trop la superficialité et dont on s'étonne toujours de constater l'envers sombre, boueux, mesquin. Il n'en demeure pas moins que la société américaine produit, depuis quelques années, de grands auteurs de littérature. Yaa Gyasi figure parmi ceux que je compte suivre. Quel livre remarquable.
Transcendant Kingdom est paru en français sous le titre de Sublime royaume, aux éditions Calmann-Lévy.
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