dimanche 11 octobre 2020

La dernière déclaration d'amour, par Dagur Hjartarson, éditions La Peuplade


C'est l'histoire d'un long brouillard qui s'installe autour d'un narrateur, et des deux personnages au centre de sa vie. Tout ça accompagné d'un personnage absent, mais qui flotte au-dessus de tout ça, comme si, le brouillard, c'était lui.

L'ami d'enfance et la petite amie du narrateur, qui ne se connaissent pas, ont chacun de leur côté une fascination pour David Oddson, un politicien "de carrière" qui a longtemps roulé sa bosse dans toutes les sphères de l'administration nationale islandaise. D'abord maire de la capitale Reykjavik, puis premier ministre, il a ensuite été promu directeur de la Banque centrale islandaise. Figure de proue d'un parti de droite, on imagine facilement qu'il a fait partie de la vie de tout islandais qui se respecte. Pensez à un politicien qui a été longtemps au pouvoir dans votre coin du monde, et qui s'est ensuite recyclé dans une tour dorée de l'administration publique.  Vous êtes fixés sur la notoriété du personnage flottant.

À prime abord, on est un peu déstabilisé par cette omniprésence. On a l'impression que si c'était de lui, le narrateur n'en aurait rien à cirer de ce personnage qu'il juge assez sinistre. Or, ses deux pivots, son ami et son amour, l'invoquent chacun pour des raisons particulières, et dans le cas de son ami d'enfance, ça ira jusqu'à l'obsession.

Puis le temps avance, lentement. L'amour s'installe mais... avec toujours un espèce de brouillard autour. Du côté de son ami, un projet qui tourne lui aussi à l'obsession est en train d'hypothéquer sa santé mentale. La narrateur doute, de son amour, de son ami, de l'omniprésence de Davis Oddson et à force, on s'attache à lui à cause de ses doute, justement.

Cette histoire pourrait être celle de l'amour et de l'amitié mais c'est plutôt celle du temps qui passe. Dagur Hjartasson est un poète qui signe ici son premier roman, et c'est fort de ce background qu'il transforme chaque personnage en métaphore. Ce livre lent contient des passages à relire trois fois de suite tellement ils sont beaux. Les poètes ont ce don de savoir décrire l'intangible ou de faire entrer une ville comme un personnage secondaire. Si vous n'êtes jamais allé à Reykjavik, la lecture de La dernière déclaration... pourrait bien vous en donner envie.

Antithèse du roman d'aventures avec une ville, mais aussi les saisons comme personnages secondaires, ce récit porte sur l'inévitable fin de toute chose, même de la bienveillante enfance (le personnage de l'ami), de l'indescriptible amour (la petite amie) et de l'ordinaire indifférence du confort ordinaire (le personnage public, qui notons le, finira par donner sa démission de directeur de la Banque centrale d'Islande en 2009, dans un immense crash économique... le roman se déroule en 2008), tout ça raconté avec une douceur déstabilisante, mais tout à fait réjouissante. 

Dagur a quelque chose de Jon Kalman Stefansson pour les images, et d'Audur Ava Olafsdottir pour la narration. C'est un auteur à suivre, pour qui aime les brouillards. 

#lapeuplade

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