C'est excellent, mais si vous êtes politiquement correct, vous détesterez ça. Bref, c'est pas génial, mais c'est foutrement bon.
C'est un plaisir de parler d'un auteur qui soulève la polémique. Disons-le d'emblée: on est déjà dans un domaine vraiment plus intéressant que le consensuel. Sérotonine, c'est l'histoire d'un gars qui raconte sa vie ratée. C'est le récit captivant d'une histoire sans histoire.
Miné par une relation plutôt toxique de plus en plus délétère, un homme décide d'y mettre fin en filant à l'anglaise vivre sa vie anonymement ailleurs. Cet ailleurs, c'est d'abord un autre quartier de Paris, puis, la Normandie. Et sa vie, désormais, c'est de se rappeler de celle qu'il a vécu antérieurement. Le gars nous raconte comment, professionnellement, il n'a rien foutu d'exceptionnel, comment, personnellement, il n'a pas abouti à grand chose et comment, amoureusement, il a franchement merdé. Désabusé, cynique, le narrateur se remémore ses amours antérieurs. Si la plupart ont donné dans l'ordinaire ou le pathétique, il y en a un qui l'a peut-être transporté plus haut que les autres. Du côté de l'amitié aussi, cette liberté retrouvée est prétexte à renouer avec un ancien ami proche. Dans un cas comme dans le l'autre, le résultat mènera aux mêmes résultats consternants: c'est raté, y'a plus rien à en faire.
Sur ce fond de décor un peu beige, c'est le feu d'artifices: Houellebecq tire sur (presque) tout ce qui bouge. La profession d'agronome de son personnage principal mène à une critique acerbe des modes de production industriels. Et si vous croyez que le bien pensant l'emporte, détrompez-vous, parce que l'auteur en a aussi contre le green washing. Le bien commun en prend pour son rhume... et le capitalisme sauvage aussi.
Visionnaire, Michel Houellebecq? N'allons pas jusque là. Disons que le gars sait observer sa société. Une scène de ce livre paru en septembre 2018 fait inévitablement penser aux fameuses manifs des Gilets jaunes français. C'est là où s'observe le caractère exceptionnel de cet auteur: décrire l'état de la société occidentale par l'entremise d'un personnage. C'est très habile, et ça relève de la grande écriture. Maintenant, jusqu'où sa description est-elle fidèle? La question se pose lorsqu'on pense à ce qu'on lui reproche...
Dans Sérotonine, les personnages féminins sont épouvantables: control freak, alcolo/nympho/pathétique, bimbos nunuches, mère étouffante, toutes constituent autant de clichés qu'on aime exploiter au cinéma... ou dans l'oeuvre d'un écrivain à polémique. Maintenant, une question se pose: Houellebecq est-il misogyne ou est-ce son personnage franco-français qui l'est? À constater le regard que l'auteur porte sur son environnement, j'aurais tendance à opter pour le personnage du livre. Bon, ceci dit, je ne connais pas Houellebecq personnellement... N'empêche que Sérotonine parle d'amour, celui qui est si fort que même perdu, il nous obsède. C'est ce que vit le personnage principal qui, voyant ce à côté de quoi il est passé, décide de cesser de lutter et de se laisser aller vers le bas.
Obsédant, divertissant, acerbe, chiant, touchant: il y a beaucoup à en dire. J'ai pas tout lu Houellebecq, mais c'est sûrement là un bon titre pour le découvrir.
Fortement recommandé.
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