Alexie Morin termine son livre en nous expliquant pourquoi elle l'a écrit. À un certain moment, elle en parle comme d'un ouvrage "qui porte sur les plus grands moments de vulnérabilité de sa vie". C'est bien le cas, à la nuance près que mis bout à bouts, ces moments semblent résumer à peu près toute son enfance, de l'école primaire jusqu'à la fin du secondaire, et plus, pour certaines scènes. C'est dérangeant, lourd, pesant, et très souvent instructif.
Je dois noter toute de suite que je me découvre de plus en plus comme un lecteur très peu avide d'auto-fictions. Après "Le lambeau", j'avais envie de quelque chose d'autre. Tel ne fut pas le cas, à mon grand désarroi, je dois l'avouer. Alexie Morin raconte une vie dont l'apparence extérieure est tout à fait banale. Née dans les années 80 d'une famille ouvrière dans une petite ville québécoise, la narratrice se rend rapidement compte que ses rapports avec les autres sont compliqués, et que la cause, c'est elle-même. Évoluant entre maladresses et moments de honte envers elle-même, on en vient à se demander, au fil des pages, si elle n'a jamais vécu de moments heureux.
Pourtant, elle fait la part belle aux gens qui l'entourent. Personne n'est particulièrement méchant à son égard, si ce n'est à ses propres yeux. Lucide, voir même extra-lucide, elle sait reconnaître, au-delà de tout ce qu'on puisse imaginer, ses erreurs. Franche et sincère, la façon dont elle se dépeint nous fait rapidement sauter à une conclusion qui oscille entre l'anti-sociable ou, disons-le, la criss de folle. La raison de son désarroi sera identifiée à peu près aux deuxième tiers du livre. Après ça, on comprend mieux ce qui a entraîné cet enchaînement de déceptions, d'incompréhensions et de honte.
Non, c'est pas jojo. Son personnage, sa narratrice, enfin, elle, m'a tapé sur les nerfs je ne sais combien de fois. Mal écrit, ce livre m'aurait sans doute tombé des mains, mais Alexie Morin a choisi la meilleure forme qui soit pour dynamiser un récit qui, raconté linéairement, aurait pu devenir harassant. Ses chapitres sont courts (une, deux pages, parfois moins) et voyagent d'une époque à l'autre. Ça permet de faire des liens, de montrer que c'est justement en faisant de tels liens, en expliquant ceci par cela, qu'on en vient à bien comprendre une personne.
On juge les gens bien vite, surtout dans certains milieux comme ceux des petites villes. Plusieurs auteurs ont d'ailleurs basé leurs histoires sur ce socle rugueux mais ô combien immuable dans plusieurs des livres que j'ai récemment lus, et là où Ouvrir son coeur devient instructif, c'est justement dans sa description sans filtre de la société dans laquelle elle grandit. N'est-ce pas là, en fait, le terreau dans lequel une bonne partie du Québec de plus de 35 ans a grandi? On y reconnaît des généralités, des jugements et des philosophies (si on peut appeler ça comme ça...) qui font ce que ce coin de planète est devenu. Par exemple, à un certain moment, la petite fille qu'elle était se fait demander par une plus grande, un peu exaspérée par ses questions et ses remarques, si elle n'était pas une "bollée" (une intellectuelle), par hasard, ce qui, dans un tel contexte, est loin d'être une qualité apprécié par la majorité. Vous en tirez vos propres conclusions...
Bref, si le portrait de la personne m'a parfois paru s'étendre sur trop de pages à mon goût... c'est justement parce que c'est mon goût. Il y a, dans l'auto-fiction, quelques relents de misérabilisme ou d'auto-exploration de soi qui m'exaspèrent. Toutefois, le portrait de société est efficacement et écrit, dans la fraîcheur d'un style abordable et sympathique malgré le propos tellement lourd par moments.
À la toute fin du livre, Alexie Morin résume ses propos, et par le fait même, résume aussi à peu près tout le livre, par quelques pages d'une poésie que j'ai trouvée totalement lumineuse, belle, à propos. C'est comme si le papillon sortait de son cocon à ce moment précis.
Si Alexie Morin sort de son personnage et explore la fiction, je serai curieux de la lire.
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