Un soir où ils se retrouvent dans le noir parce qu'ils se sont fait voler leur chandelle, Axl et Béatrice décident qu'ils doivent quitter le village pour aller rejoindre leur fils qui vit plus à l'est sur une île. Elle connaît un peu le chemin puisqu'elle est déjà allée au village voisin. Alors ils prennent leur courage à deux mains et partent, non sans craintes parce qu'ils voient bien qu'ils n'ont pas l'âge pour les longues distances.
Sur leur chemin, les deux Bretons rencontreront un preux chevalier Saxon, un jeune homme qu'on dit avoir été mordu par un ogre et un neveu du roi Arthur. S'ajouteront ici et là d'autres personnages tout aussi colorés les uns que les autres, toujours bien placés, qui interviendront au fil de l'itinéraire des deux marcheurs.
On dirait du fantastique, mais ce n'en est pas. Ou peut-être que si, puisqu'il sera bien question d'un dragon dont le souffle a le pouvoir de faire oublier les souvenirs. On dirait un roman de chevalerie mais ce n'est pas ça puisque... mais qu'en sais-je. Ai-je jamais lu un roman de chevalerie? En tout cas, si c'est quelque chose comme ce qu'a écrit Ishiguro, je veux bien en lire d'autres.
Véritable "road movie" littéraire, ce bouquin nous transporte dans une époque et un paysage trop souvent galvaudés. L'idée qu'on se fait du pays du roi Arthur a quelque chose de flamboyant et de noble. Ici, il n'est question que de montagnes et de vallées, rien de bien faste. Et quant aux personnages, tout comme cette histoire, on ne sait comment les prendre. S'agit-il de modestes voyageurs tels qu'ils se décrivent? Ce vieux chevalier a-t-il tout vécu ce qu'il décrit? L'autre a-t-il vraiment vaincu des géants et des ogres? Pour tout vous dire, ce contexte, ces personnages superbes, cette action lente mais enlevante rendent ce roman absolument fascinant. Jamais n'avais-je été dans ce monde brumeux entre réalité et fiction, et j'y retournerais bien.
Toute cette histoire tourne autour d'un but: mais qu'est-ce qui mène ces deux voyageurs? Vers quoi ou qui se dirigent-ils? On se pose inévitablement la question de page en page. Les deux vieux donnent l'impression d'aller à la rencontre de leur fils parti depuis longtemps. Ils veulent le revoir parce qu'ils sont en train de l'oublier. Leur quête semble donc noble et juste, comme eux. Mais tout n'est pas tout noir ni tout blanc dans ce livre, et c'est ce qui nous fait le lire avec avidité.
Et le ton mérite d'être souligné. C'est d'ailleurs ce ton qui nous fait nous demander si on n'est pas en train de lire la parodie de quelque chose, à moins qu'il ne s'agisse d'un vrai roman de chevalerie, mais sinon... qu'importe. Les personnages du Géant enfoui se parlent avec égards, se donnent du "monsieur" et du "madame" malgré leur modestie. Au début, ça déstabilise un peu, mais au fil de l'histoire, on comprend qu'il s'agit d'une façon adroite de placer le décor. Oui, on a souvent une idée romanesque de cette période de l'histoire et oui, ça peut jouer sur notre façon d'apprécier ou pas un récit qui se déroule en ce temps. L'auteur a pris le pari de nous faciliter la tâche en tombant quasiment dans le cliché avec ce même ton, tout en nous menant dans une histoire intrigante dont la fin nous laisse tout retourné. Tragique et touchant, ce livre en est d'abord un d'aventures, et c'est écrit d'une main de maître. Le dernier quart nous laisse pantois. On se rend compte qu'on s'est laissé entrainer dans quelque chose qu'on n'attendait pas. En fait, comme au début du livre, on se demande si ces dragons et des elfes ont bel et bien existé ou s'il s'agissait de quelque chose d'autre, si on les a utilisé pour décrire autre chose. Qui a vu quoi, qui a fait quoi? Au sortir du livre,on pourrait en parler longtemps, d'où ma recommandation pour un club de lecture!
En manque de nouveauté? Besoin de quelque chose de déstabilisant mais de divertissant? Voilà exactement ce qu'il vous faut. Je connais peu Ishiguro, qui, malgré son nom, est beaucoup plus britannique que japonais, si on se fie à sa biographie. N'en demeure pas moins qu'on reconnaît ici deux sensibilités propres, tant la japonaise que l'anglo-saxonne, et ma foi, le mélange est absolument fabuleux... mot choisi.
Gros coup de coeur!
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