Yasmina Khadra s'est mis dans la peau, mais aussi, et surtout, dans la tête de Mouhammar Khadafi pour décrire ses dernières heures de vie. Tout le livre est écrit au "je" puisque c'est le personnage du rais en question qui parle. Or, justement, qui parle, l'auteur ou le personnage? C'est la question que je me suis posée tout au long de ce livre.
Le personnage se terre avec sa garde rapprochée dans un édifice abandonné d'une ville en guerre où le but est de le trouver et de l'éliminer. Aigri mais imbu jusqu'à l'os de lui-même, le rais crache sur à peu près tout ce qui a existé et existe encore autour de lui, parce que selon lui, lui-seul est parfait, tout puissant et digne de respect. Monstre d'égocentrisme, le président/roi déchu dépeint ici porte un regard cynique sur un monde qu'il a créé et qui, maintenant, se referme sur lui. Parce qu'au moment de recueillir ces propos, tout va mal pour notre bonhomme, c'est le moins qu'on puisse dire.
Khadra utilise donc la chute de Khadafi comme décor, et Khadafi lui-même comme tête-d'affiche. Il lui fait porter l'allure détestable qu'on a fini par lui donner au fil des ans et des rapports médiatiques à son sujet. Mais il donne à aussi son personnage une certaine fatalité qui lui fera voir l'éventualité de la mort comme inévitable. Sans être serein face à sa fin éventuelle, l'homme traqué tirera des conclusions souvent éclairées sur l'existence et sur la fatuité de ce qu'on a été lorsque vient le moment de regarder la mort en face.
Si ces derniers éléments sont parfois touchants et font réfléchir, ceux concernant le peu de considération que l'homme a pour autrui en vient à choquer, bien sur, voir même à énerver. Loin de moi l'idée de vouloir défendre le personnage de Khadafi, mais j'ai un gros "mais", parce que tout du long, je me demandais si l'auteur n'était pas allé trop loin, ou pas assez.
De se mettre à la place d'un personnage disparu il y a si peu de temps demandait une certaine audace de la part de l'auteur. Habituellement, lorsque quelqu'un décède, une certaine pudeur, ou plus simplement le respect, font en sorte qu'on n'utilise pas aussitôt son nom ni son personnage pour lui prêter des propos ou des idées supposés. On a l'habitude de s'en tenir à ce qu'il a dit et fait. Dans ce cas, l'auteur prend la liberté de donner la parole au défunt. Bien sur, le personnage réel était détestable et non, je ne crois pas qu'il n'y ait quelque raison que ce soit à lui rendre hommage. N'empêche. J'ai ressenti un malaise à lire ce livre. J'avais parfois l'impression d'assister à un règlement de comte, à un déferlement d'injure de Yasmina Khadra à l'adresse d'un autre qu'il a ligoté et jeté au fond d'un trou. Qu'importe la qualité des personnes mises en cause, il y a là quelque chose... d'injuste.
Ai-je bien lu les pensées profondes de Khadafi? Non. Alors, ai-je lu l'opinion de Yasmina Khadra sur Khadafi? Non plus, puisqu'il est bien écrit "roman" sur la couverture. Bien écrit, ou ça l'est. Percutant: aussi. Autant d'horreurs commises et pensées donnent froid dans le dos. Maintenant, que reste-t-il d'un tel livre lorsq'on le termine? Quant à moi, j'ai haussé les épaules. Cette "non-réalité" basée sur une "réalité supposée" me semble assez difficile à avaler.
Quelque chose, pour moi, n'a pas fonctionné avec ce livre. En fait, peut-être en suis-je simplement sorti déçu.
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