mercredi 30 janvier 2019

Vingt-trois secrets bien gardés, par Michel Tremblay, éditions Leméac/Actes sud

Je suis revenu à Tremblay après l'avoir boudé pendant plusieurs années. Ces 23 récits en 106 pages me semblaient tout indiqués pour un retour en douceur. J'aimais l'idée qu'il se raconte, lui, sans détour, autrement que par ses personnages. C'était une bonne idée mais...

Je dois dire que Michel Tremblay m'a fait le lecteur que je suis. C'est grâce aux Chroniques du Plateau Mont-Royal que j'ai pris goût à la lecture. Je peux le dire sans me tromper. J'étais adolescent et j'adorais le lire. Puis a suivi Le coeur découvert et sa suite, et bien d'autres titres. Dans ma bibliothèque, le dernier Tremblay, mis à part celui en titre, est Le cahier noir. Pour une raison que j'ai oubliée, c'est là où j'en ai eu assez de la faune du boulevard St-Laurent des années 70. Je crois que Tremblay ne me faisait plus autant rêver, ses histoires s'étant métamorphosées, pour diverses raisons, en réalité.

Avec ce retour, j'ai l'impression de visiter un parent proche pas vu depuis longtemps. L'aimant fonctionne encore, ça colle toujours autant entre lui et moi, mais comme tout ce qui colle fort, la trop grande proximité me fait voir des défauts que je n'aurais pas voulu voir, que je ne vois pas chez d'autres auteurs que j'ai l'impression de moins bien connaître, même si je les aime autant sinon plus que lui.

Dans Vingt-trois secrets..., Tremblay raconte, aléatoirement, sans ligne chronologique, des anecdotes tirées de sa vie personnelle. On croit, à les lire, que chacune a contribué à faire ce qu'il est devenu: un écrivain renommé, un grand écrivain. Même s'il parle de lui, Michel Tremblay raconte avec autant de verve, du ton du meilleur ami qu'on écoute sans perdre un seul mot parce qu'il a la façon d'attirer votre attention, quelque soit le sujet qu'il aborde.

Ces 23 récits sont juste assez courts pour nous intéresser tous. Si parfois on ne peut s'empêcher de rire, à d'autres on est ému lorsqu'on sait la portée que des situations, anodines à l'origine, ont pourtant eu. Mais voilà, il y a l'os, cette chose qui me dérange parce que c'est lui qui le fait: dans chacun de ses récits où il est le centre de l'action, l'auteur parle de lui à la troisième personne, jamais au "je". Je n'ai pas entendu d'entrevues où il justifiait cette coquetterie, si on peut dire, alors j'exprime mon incompréhension...

On fait parfois des blagues sur les personnages publics qui parlent ou parlaient d'eux à la troisième personne. On y voit toujours quelque chose d'ampoulé, de distant et toujours, à mon sens, de vaguement désagréable. Or, pourquoi Tremblay est-il allé là avec ce recueil de courts récits? Qu'est-ce que ça aurait changé qu'il parle au "je"? Est-ce un cas de fausse modestie? Je ne saurais dire, mais comme vous le constatez, on dirait bien que ça m'a énervé.

Mais bon, c'est Michel Tremblay, et Michel Tremblay, est, à mon sens, le plus grand auteur québécois vivant. Alors bon, comme tant d'autres, je l'aime plus fort que tout, mais oui, malgré tout, il a le don de m'énerver...

2 commentaires:

Claude Lamarche a dit…

La 3e personne ne m'a pas dérangée, comme si la personne devenait un personnage.
En revanche, je l'ai trouvé à bout de souffle, comme si faire publier un livre par année était devenu un devoir, une obligation et qu'il m'avait pas eu le temps de trop fignoler. Mais je pardonne tout à Tremblay, bien sûr.

Alain a dit…

Je partage cette opinion. C'est en effet le sentiment qu'on ressent à la fin de ce livre, un genre de : Ah, c'est tout? Mais qui aime bien châtie bien...