lundi 8 novembre 2010
Dans les veines ce fleuve d'argent, par Dario Franceschini, Éditions L'Arpenteur
Laissez-moi vous présenter d'abord la Mer des mots. Elle est entourée de contrées où des auteurs pas nécessairement connus mais souvent immenses, savent décrire les plus petites choses des plus jolies précisions. C'est un coin du monde où les histoires, millénaires ou futuristes, sont si teintées de sentiments humains, d'impressions, de désirs, de métaphores aussi englobantes que le plus grand et gros Minautore que vous ayez jamais imaginé, que rien n'y est jamais banal, voir ennuyant. Cette mer est baignée de Khadra et de Pamuk est leurs sensibilités aux autres, de Saramago et de sa brillante ironie, de Mendoza et des beaux fous. De l'autre côté, on retrouve les Tabuschi, Barrico, Eco et maintenant Franceschini. J'introduis ainsi "Dans les veines ce fleuve d'argent" parce qu'encore une fois, un auteur méditerranéen m'a jeté par terre.
Avouez que si on pense aux réalisations artistiques de cette région du monde, on ne pense pas à sa littérature au premier coup. Et pourtant! Tous les auteurs précités écrivent comme combien d'autres ont peint. Avec Franceschini, on a là un coup de pinceau impressionniste. D'une histoire toute simple, il crée un tableau limpide et beau à donner envie de se rouler dedans.
Un homme dans la cinquantaine se lève un bon matin avec l'intention d'aller répondre à une question posée par un ami il y a trente ans plus tôt. Déjà, avec un tel thème, on est fixé. On a une quête, un chemin à parcourir et quelque chose d'un peu fou. Or, l'histoire se raconte au temps des lavandières, ces charrettes et des bacs. Tout est lent, patient, aussi prend-t-on la peine de se parler, de se raconter. C'est ce que feront chacun des personnages que Primo, notre grand questionneur, rencontrera ans son voyage. Au titre, on aura compris que le chemin de Primo suit un fleuve. Petit à petit, ce dernier prendra toute la place. D'histoires en histoires, on sentira très distinctement l'amour et le respect que l'auteur a pour le Pô et toute la puissance qu'il devait alors représenter.
Et pourtant cette histoire est courte. Mais combien elle est dense! Un village qui s'arrête de parler à chaque jour, à une heure précise, parce qu'une femme y pleure sur le bord de sa fenêtre, un homme qui fait livrer des boîtes pleines de paille à sa vielle mère, heureuse de recevoir ces paquets parce qu'elle y retrouve l'amour fragile "qu'on ne voit ni peut dessiner" que lui envoie son fils, un cheval au milieu du fleuve qui laisse l'eau monter sans bouger comme s'il savait qu'il allait mourir, tous ces personnages vous suivront longtemps. Ils sont beaux et uniques.
Touchant, captivant, beau comme une huile de maître, traduit amoureusement par Chantal Moiroud, devenez Italien pour quelques heures et vivez, en même temps, quelques pages de bonheur grâce à Dario Franceschini.
Incontournable.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire