Belle réussite d'un livre d'une remarquable orginalité. Enquête, essai, roman: tout va à cette histoire familiale qui m'a touché par sa sensibilité et le respect qu'elle porte aux personnages.
L'histoire d'une femme décédée à 29 ans dans les années 1970 est recréée par l'enquête menée tout récemment par sa petite-fille. On découvrira un décès dont la cause a été camouflée. La cause de ce camouflage fait partie de l'enquête. Quant à la cause de la mort, c'est au lecteur d'en tirer ses conclusions.
Pour mener son enquête, l'autrice est allée à la rencontre de ceux qui ont connue sa grand-mère. On comprend qu'après autant d'années, les souvenirs sont flous, les impressions aussi. Pour raconter son histoire, elle enregistre des conversations et nous décrit des photos. Le traiment de ces deux procédés fait toute l'originalité du livre.
Les conversations sont retranscrites presque mot pour mot, et le difficile exercice d'écrire la langue parlée est réussi avec brio. Les conversations sont écrites comme on le fait de poèmes, en phrases courtes où les idées alternent parfois sans transition, comme dans notre tête, comme lorsqu'on raconte quelque chose et qu'on ajoute des incises, lorsque parler nous fait nous rappeler de choses qui nous reviennent soudainement. Ces retranscriptions auraient pu être lourdes ou caricaturales, mais pas du tout. Il y a dans ce procédé beaucoup de sensibilité et de respect des témoins qui prennent la parole. L'autrice a interrogé son papa, ses tantes, des amies de la défunte, et c'est passionnant.
Quant aux photos, Boilard-Lefebvre les décrit tant par le contenu que par le contenant. Comme pour les souvenirs racontés, le passage du temps efface aussi des détails qu'il nous faut deviner et là encore, pour le lecteur, c'est tout à fait prenant.
Cette histoire est un portrait hyper-réaliste d'une société et d'une époque. Aux environs des années 1960, au Québec, on se cherchait beaucoup. Un lourd passé commençait à s'estomper, mais tout n'était pas encore terminé. Les pressions sociales étaient encore fortes, et avec elles les non-dits, les jugements. La femme racontée en aura été victime, mais d'autres aussi, dans sa famille, à commencer par sa propre mère.
Passionnant, touchant et d'une sincérité désarmante, cette Histoire silencieuse est chaudement recommandée.
dimanche 16 février 2025
lundi 10 février 2025
L’irréparable, par Pierre Samson, éditions Héliotrope
Parcours ordinaire et difficile qui se termine mal. Ceci résume ce livre et ma lecture de ce livre.
L’homme qui se raconte achève une carrière de chargé de cours universitaire. Ce spécialiste des manuscrits anciens a la soixante amère. Le monde entier lui tappe sur les nerfs. Professionnellement, c’est l’horreur. C’est guère mieux personnellement. Gay et célibataire, il crache son venin sur son tout ce qui bouge.
Les personnages gays atypiques pullulent en littérature et celui-là est du lot, mais je le mettrais au-dessus de la pile. L’auteur lui donne une parole d’une condescendance hallucinante, avec des phrases interminables et des mots choisis d’un lyrisme assommant. Au début, on se dit que la figure de style fera son temps, mais non. Tout le livre est écrit dans ce genre pédant et amer. Parfois, on sourit. Tant d’aigreur donne souvent de drôles d’images. Mais bon…
Ce gars qui se voit flétrir porte autant d’attention à l’allure des autres qu’à la sienne. Jamais n’aie-je lu autant de descriptions physiques aussi détaillées. Un gars au gym ser décrit sur 2 pages, une collègue de travail passera au tordeur sur plus encore, et le malaise est immense.
Aux trois-quart du livre, une situation fera espérer une enquête, mais la fin tragique en accéléré laisse pantois. J’ai terminé L’irréparable, dans un état désagréable de « tout ça pour ça ».
Attentes non rencontrées. Décevant.
#editions_heliotrope #litteraturequebecoise #livrequebecois #jelisquebecois #instalivres #bookstagramqc
L’homme qui se raconte achève une carrière de chargé de cours universitaire. Ce spécialiste des manuscrits anciens a la soixante amère. Le monde entier lui tappe sur les nerfs. Professionnellement, c’est l’horreur. C’est guère mieux personnellement. Gay et célibataire, il crache son venin sur son tout ce qui bouge.
Les personnages gays atypiques pullulent en littérature et celui-là est du lot, mais je le mettrais au-dessus de la pile. L’auteur lui donne une parole d’une condescendance hallucinante, avec des phrases interminables et des mots choisis d’un lyrisme assommant. Au début, on se dit que la figure de style fera son temps, mais non. Tout le livre est écrit dans ce genre pédant et amer. Parfois, on sourit. Tant d’aigreur donne souvent de drôles d’images. Mais bon…
Ce gars qui se voit flétrir porte autant d’attention à l’allure des autres qu’à la sienne. Jamais n’aie-je lu autant de descriptions physiques aussi détaillées. Un gars au gym ser décrit sur 2 pages, une collègue de travail passera au tordeur sur plus encore, et le malaise est immense.
Aux trois-quart du livre, une situation fera espérer une enquête, mais la fin tragique en accéléré laisse pantois. J’ai terminé L’irréparable, dans un état désagréable de « tout ça pour ça ».
Attentes non rencontrées. Décevant.
#editions_heliotrope #litteraturequebecoise #livrequebecois #jelisquebecois #instalivres #bookstagramqc
dimanche 2 février 2025
Moi, ce que j'aime, c'est les monstres, livre deuxième, par Emil Ferris, éditions Monsieur Toussaint Louverture
Il faut inévitablement être confortable pour lire un aussi gros livre. Malgré tout, il nous coupera un peu la cuisse ou nous fatiguera le bras qui le retient. Mais ça dure à peine le temps d'une page, parce qu'à sa lecture, on est ailleurs le temps de le dire, et on oublie tout, même nous petites douleurs.
C'est fou combien les dessins d'Emil Ferris sont beaux. Ce faux cahier de croquis aux dessins remplis d'ombres me captive. J'ai lu et parcouru des yeux ce deuxième tôme goutte à goutte, lentement, par épisodes, avec délectation.
Au-delà des dessins fabuleux, l'histoire racontée est encore plus remarquable. Avec le Chicago des années 1960 pour décor, Ferris fait vivre à son héroïne des aventures rocambolesques à travers une galerie de personnages bouleversants, déstabilisants et merveilleux. Ce sont ces personnages qui m'ont fasciné le plus. L'action se passe dans le monde interlope et mafieux d'un quartier où les monstres existent dans le regard de ceux qui les côtoient, à commencer par l'héroïne elle-même, qui se voit comme un monstre. Et que dire de son frère...
Dans ce 2e tôme, plus encore que dans le premier, l'autrice plonge dans le non-conventionnel. Celles et ceux qui sont vus comme des monstres sont en fait les plus beaux personnages, alors que ce sont ceux qui les jugent qui sont les vraies horreurs. On est beaucoup dans le "celui qui le dit, c'est lui qui l'est".
Et que dire de l'art dont il est beaucoup question dans ce livre. De fréquentes scènes qui se dérouent au musée d'art de la ville m'ont fait découvrir des artistes américains du 20e siècle que je ne connaissais pas. En plus d'une histoire enlevante, l'autrice nous emmène à googler à tout bout de champ pour découvrir tel tableau ou tel artiste, et chaque fois, c'est hyper intéressant.
Emil Ferris aime ses monstres, leur environnement glauque, leurs vulnérabilités mais aussi, et surtout, l'immense courage qui les fait s'accepter comme ils sont. L'oeuvre de cette autrice est on ne peut plus actuelle et essentielle. Moi, en tout cas, je l'adore, et je suis très heureux de savoir qu'il y aura un autre tôme qui suivra celui-là.
Si vous n'avez pas lu le premier tôme, je le recommande fortement avant la lecture du premier. Il est tout aussi beau, fantastique et brumeux que le deuxième, que vous aurez certainement envie de lire à la suite du premier.
Quelle oeuvre magistrale.
Au-delà des dessins fabuleux, l'histoire racontée est encore plus remarquable. Avec le Chicago des années 1960 pour décor, Ferris fait vivre à son héroïne des aventures rocambolesques à travers une galerie de personnages bouleversants, déstabilisants et merveilleux. Ce sont ces personnages qui m'ont fasciné le plus. L'action se passe dans le monde interlope et mafieux d'un quartier où les monstres existent dans le regard de ceux qui les côtoient, à commencer par l'héroïne elle-même, qui se voit comme un monstre. Et que dire de son frère...
Dans ce 2e tôme, plus encore que dans le premier, l'autrice plonge dans le non-conventionnel. Celles et ceux qui sont vus comme des monstres sont en fait les plus beaux personnages, alors que ce sont ceux qui les jugent qui sont les vraies horreurs. On est beaucoup dans le "celui qui le dit, c'est lui qui l'est".
Et que dire de l'art dont il est beaucoup question dans ce livre. De fréquentes scènes qui se dérouent au musée d'art de la ville m'ont fait découvrir des artistes américains du 20e siècle que je ne connaissais pas. En plus d'une histoire enlevante, l'autrice nous emmène à googler à tout bout de champ pour découvrir tel tableau ou tel artiste, et chaque fois, c'est hyper intéressant.
Emil Ferris aime ses monstres, leur environnement glauque, leurs vulnérabilités mais aussi, et surtout, l'immense courage qui les fait s'accepter comme ils sont. L'oeuvre de cette autrice est on ne peut plus actuelle et essentielle. Moi, en tout cas, je l'adore, et je suis très heureux de savoir qu'il y aura un autre tôme qui suivra celui-là.
Si vous n'avez pas lu le premier tôme, je le recommande fortement avant la lecture du premier. Il est tout aussi beau, fantastique et brumeux que le deuxième, que vous aurez certainement envie de lire à la suite du premier.
Quelle oeuvre magistrale.
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