mardi 12 septembre 2023

L'invention d'un visage, par Mathieu Laca, éditions Leméac

C'est un livre déroutant à plusieurs égards.

Mathieu Laca est d'abord connu pour sa peinture (superbe, selon mes goûts). Comme auteur, je ne savais que la prémisse de base de son livre: un homme perd la mémoire des visages à la suite d'un accident. Il utilisera l'art pour la retrouver.

Le début du livre est prenant. Le narrateur raconte l'accident, les conséquences. C'est un monde inconnu tant pour lui que pour le lecteur. Le style est sobre, efficace. Au fil des événements, il découvrira par hasard l'autoportrait d'un peintre inconnu ayant vécu au début du 20e siècle. Cette découverte sera prétexte à des recherches tant sur l'auteur de ce portrait que du narrateur sur lui-même. L'auteur nous emmène alors dans le passé, aux environs de 1914, pour nous présenter ce peintre inconnu. Les chapitres entre le temps présent (l'histoire du narrateur) et le passé (celle du peintre) alternent, et c'est toujours intéressant.

Arrive la seconde partie du livre où le narrateur se voit projeté dans le passé, dans ce qu'il découvrira être un épisode de la vie du peintre dont il a découvert une oeuvre. Le procédé et déstabilisant. On est passé dans une histoire à la Lewis Caroll, fantastique, avec des personnages typés et des situations très mises en scène.

On retourne ensuite au rythme du début du livre. Le narrateur poursuit l'expérience de ses recherches sur le passé et sur lui. Comme lui, on est un peu perdus. Pendant ce temps, dans le passé, le peintre vit le drame de l'entrée du monde dans la Grande guerre, d'un amour impossible parce qu'avec un autre homme, et d'une maladie mentale. Là, on se croirait dans l'histoire d'Émile Nelligan : le personnage est jeune, d'une sexualité hors normes pour l'époque, et on voudra l'enfermer. Pendant ce temps, un autre personnage ira à la guerre, sera défiguré, et reviendra au pays avec un visage atrophié: paf!, on est en plein Pierre Lemaitre avec Au revoir là-haut.

La suite du livre a confirmé une impression que l'auteur s'est inspiré de ses fantasmes pour écrire cette histoire. Plusieurs scènes de sexe entre hommes se succèdent. Pas que ce soit choquant, mais autant... je sais pas. Et ce retour dans le passé aussi ressemblait à un désir de franchir le miroir rendu possible grâce à l’écriture. Des dialogues au ton descriptif, sons trop de couleurs, m’ont aussi laissé sur ma faim. Ce livre m’a semblé le reflet de l’intimité d’un auteur que je ne connaissais pas. Le scénario est excellent, mais la facture et le style me laissent dubitatif. Choix risqué de la part de l’éditeur.

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