Chris est à peine au début de la vingtaine. Avec Chloé, ils ont un petit garçon d'un an qu'ils ont appelé Joseph. Dans Les avenues, Chris raconte sa vie avec Chloé et Joseph à sa mère, partie vivre à Vancouver lorsque son garçon a eu 18 ans. Chris n'est pas dupe, il sait bien que si sa mère est partie à ce moment, c'était pour ne plus vivre avec lui, son fils. Mais pourtant il aime cette mère sans commune mesure, il le lui dit de toutes les façons au fil de son récit. La vie de sa mère n'a pas dû être facile, et Chris dit comprendre la raison de son départ même s'il est, comme il se décrit lui-même, "retardé".
Il fallait beaucoup de tact et sans doute d'audace pour écrire sur ce sujet. Chris et Chloé vivent, on le devine, avec une déficience légère. Ils en sont conscients. La vie qu'il nous raconte dans ce contexte est ordinaire, remplie de petits bonheurs sincères, sans grandes attentes envers la vie, sauf peut-être celle du retour de sa mère, ou à tout le moins, de quelques signes de vie de sa part.
Or, voir la vie du point de vue d'un tel personnage nous fait voir le monde sous un autre angle. Pour Chris, les choses simples sont rassurantes, les moindres contrariétés sont sources d'angoisse. Ses sentiments sont hyper développés envers ceux qui l'entourent et qui l'aiment, et on s'étonne de sa presque indifférence devant des situations inconnues qui nous auraient bien fait chavirer. Pour lui, tout est blanc ou noir. Il n'y a pas vraiment de zones grises.
Quel personnage attachant. L'auteur lui donne une parole franche mais dépouvue de toute malice. Si ses réactions sont sanguines à certaines occasions, on comprend vite toute la charge émotive qui le pousse à réagir de la sorte. Et si on le voit touché par quelque chose d'anodin, on comprend aussi, au fur et à mesure de son histoire, que son système de jugement de valeurs est différent du nôtre.
Sénéchal nous apprend très habilement ce que c'est que d'être différent. Chris raconte des scènes d'intimidation vécues pendant son enfance, sa relation trouble avec sa mère désemparée, laissée seule à elle même avec un enfant qu'elle ne comprend pas. Mais il nous montre aussi la force de la solidarité. Chris et Chloé sont bien entourés et les personnages secondaires qui gravitent autour d'eux sont aussi attachants, et, il faut le dire, intéressants que le narrateur. Du papa de Chris à la mère de Chloé en passant par des intervenants ou des voisins d'une résidence pour personnes vivant avec des handicaps comme les leurs, on découvre un monde dont on entend très peu parler.
Les avenues est écrit avec sensibilité, mais aussi beaucoup de franchise. La place des personnes handicapées, leur sexualité, l'importance de services de soutien, les défis d'une mère célibataire sont autant de thèmes qui le rendent tout aussi recommendable pour un adulte que pour un adolescent. C'est une histoire écrite avec acuité et lucidité, qui, on le comprend, a sans doute demandé à son auteur de la recherche et beaucoup d'empathie. Les dialgues, entre autres choses, sont souvent savoureux. Tiens, j'aimerais bien lire un roman "pour adulte", c'est à dire adressé à un public large, de Jean-François Sénéchal. J'aimerais retrouver son imaginaire et ses mots dans un autre contexte.
Je suis heureux d'avoir eu l'opportunité de lire Les avenues, qui m'a beaucoup touché. Recommendez-le à de jeunes lecteurs, mais faites-vous plaisir en le lisant avant... ou après.
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