Faut-il pleurer
Faut-il en rire
Fait-elle envie ou bien pitié?
Je n'ai pas le coeur à le dire
On ne voit pas le temps passer
C'est le privilège du blogueur de faire un lien entre les mots de Jean Ferrat et le roman de Philippe Besson, où il n'est nullement question de la chanson ci-haut citée. Ce sont seulement ces mots qui me viennent en tête à la fin de ce roman dont je ne sais trop que penser. Le dernier enfant se lit tout seul, facilement, parce que l'histoire est racontée avec limpidité et efficacité. Mais j'ai ressenti un tel malaise...
Celle quon raconte voit son petit dernier quitter la maison. Les parents vont aider fiston à emménager dans son petit studio, puis ils partent, lui disent au revoir, et reviennent à la maison. Elle, la mère, n'en revient pas d'elle même: elle s'effondre.
Jusqu'ici tout va bien. C'est un récit universel, on le sait. Toute mère a vécu ça, tout enfant a fait vivre ça à sa mère (enfin... sauf les Tanguy...) Cette femme s'apperçcoit que sa raison de vivre vient de la quitter. Alors, à quoi bon vivre maintenant? C'est là où nait mon questionnement.
Comme toute époque de la vie, celle-ci mérite pourtant d'être racontée. C'est un déchirement pour certains, le début de quelque chose pour d'autres. On a vu des mères touchées, mais qui s'en remettent parce que leur vie continue, elles ne sont pas que mères. On en a vu d'autres se désintégrer, plus on moins lentement parce qu'ayant mis tous leurs oeufs dans le panier de la maternité. Les deus modèles sont prétextes aux plus grandes histoires.
Celle-ci est très forte. Le déchirement est brutal pour la mère, qui vit ça sans que ça paraisse trop, tout en finesse, comme une mère sait faire pour ne pas blesser quiconque, comme elle a toujours fait. Besson entre dans la tête de ce personnage d'une façon étonnante. On dirait que c'est lui qui a vécu ce drame. Mais...
Provenant d'un milieu on ne peut plus "classe moyenne", cette famille n'a rien pour attirer l'attention. La mère travaille dans un commerce, ce qui est secondaire, pour elle. Autrement, elle fait les courses, la cuisine, le ménage, s'occupe des enfaits avec bonheur. Elle se sait un peu "trop", mais elle assume. Elle est bien là-dedans. Et son mari? Bah, son mari... Il est gentil, pas violent, me parle pas beaucoup, n'exprime pas ses sentiments, mais c'est un bon bougre. Ils vivent en banlieue, leur pelouse est impec, les haies sont bien taillées, l'intérieur est propre... bon voilà, moi, pour tout vous dire, ces trucs là m'énèrvent.
Parce qu'il y a matière à cliché, c'est indéniable. Si la peine est profonde, le vernis, lui, est trop lisse. Besson peint ici des personnages tellement classiques qu'on pourrait les décrire nous mêmes. Oui, ces gens existent... encore. Mais sont-ils nombreux? Sont-ils de cette époque? Sont-ils heureux?
Bref, je suis agacé et impressionné en même temps. Les sentiments décrits sont si précis qu'on les ressent sans aucun filtre, ils entrent droit au coeur. Ceci dit, à force, j'en suis venu à trouver leurs traits un peu trop gros, sans nuances. Mais bon, et si c'était vrai, comme dirait l'autre...
Besson est un grand chroniqueur de cette époque. Les autres livres de lui que j'ai lui m'ont parfois jeté par terre tellement ils dépeignaient précisément des personnages ou des situations qu'on s'efforce de ne pas voir. C'est peut-être ce qu'il vient de faire encore ici. C'est ambigüe. Peut-être dénonce-t-il un modèle de femme pour qui on ne peut rien, qui s'auto-détruit à la fin de la fonction "mère au foyer". Peut-être, aussi, honore-t-il le même modèle en nous faisant ressentir toute sa douleur.
Suis-je condescendant en disant que j'ai trouvé la fin prévisible? Il faut le lire pour le savoir, car ça en vaut la peine. Philippe besson est une valeur sure. Ses livres sont captivants. Faudrait juste que je sache jusqu'à quel point il a aimé son personnage, celui de la mère du Dernier enfant.
Faut-il pleurer, faut-il en rire? Pour ma part, je n'ai pas trop le coeur à vous dire...
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