Une dame aisée, d'un certain âge, raconte qu'elle et les habitants de sa petite ville allemande sont assiégés. Des envahisseurs les menacent. Leur arrivée est incessante. La seule planche de salut de la population est la venue d'un train, envoyé par les autorités, pour évacuer la population... en tout ou en partie, ça reste à voir. L'ordonnancement de cette éventuelle évacuation se passe mal. C'est la narratrice qui en témoigne à travers des lettres qu'elle adresse à sa fille exilée. Les autorités responsables ne font pas son affaire, elle les pourfend, et avec raison, prétend-t-elle. Ne les connait-elle que trop bien, elle, la riche héritière de la famille la plus fortunée de la ville? Ne leur a-t-elle pas donné leurs pouvoirs antérieurement?
Et ces envahisseurs, parlons-en. Personne ne sait qui ils sont! On les sait seulement sanguinaires, dangereux et... différents. Il faut les fuir!
Cette étonnante métaphore de notre société actuelle se termine à peu près au milieu du livre. L'auteur nous avait averti dès le départ: ce que vous lisez ici ne ressemblera à rien d'autre que vous avez lu avant. En effet, mais on n'est pas perdu pour autant. En seconde partie, donc, c'est la fille de l'autrice du départ qui prend la parole en expliquant pourquoi et comment sa mère a écrit cette histoire. On entre ici dans un nouveau récit, celui d'une dame à la retraite qui quitte la France pour aller s'installer en Allemagne. Mais voilà qu'un retour au pays tourne mal alors qu'elle est la victime d'une attaque menée par des intégristes religieux.
On comprend que les maux de notre époque ont inspiré ce Train d'Erlingen à l'écrivain d'origine algérienne. Lecteurs, vous y verrez ce que vous y voudrez, mais vous serez irrésistiblement menés à réfléchir sur ce qui est en train de nous arriver, et par "nous", j'entends la société occidentale, mais pas seulement. Tiens, précisons: en sous titre au Train d'Erlingen, on a: "ou La métamorphose de Dieu". C'est tout dire...
Après nous avoir soulevé des questions avec ses deux histoires brillantes et savamment maîtrisées, Sansal y va de son opinion sur toute la question dans le dernier quart du livre où sa nouvelle narratrice, la fille de l'autrice du départ, se permet des "notes" en exergue à l'histoire de sa mère pour donner son interprétation de ce qu'on vient de lire. Il y est question de différence, d'identité, de migration, d'ouverture d'esprit. Vaste programme. C'est dans ces notes que je me suis finalement un peu perdu, mais je suis pourtant certain que plusieurs y trouveront matière à réflexion et quantités d'observations intelligentes de notre époque. Quant à la forme de ce récit suivi d'un autre, j'ai aimé l'audace. À elle seule, la première partie vaut tout le livre. C'est truculent. Mais la seconde partie aussi. J'y ai découvert un esprit vif et un observateur très allumé. Je ne connaissais pas Boualem Sansal et c'est avec plaisir que je vais maintenant le suivre.
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