C'est rare que je laisse aussi peu de temps entre deux bouquins d'une même série. C'est même rare que je me tape une série. Mais on dirait bien que je lirai encore Knaussgard, bien qu'au bout de ce deuxième tome, je n'ai toujours aucune explication rationnelle à donner sur le pourquoi de mon amour pour ces livres. Mais pourtant, tiens, si un troisième était traduit en français, je le commencerais dès maintenant.
La première scène nous remet dans le bain de La mort d'un père, le premier livre où cet écrivain norvégien se raconte. Il arrive de vacances avec se petite famille, soit trois enfants en bas âge, et sa compagne. Ils font une halte dans un genre de foire estivale de bord d'autoroute. Il fait chaud, ils sont fatigués, les enfants s'énervent à rien, elle est irritable et lui qui décrit tout ça, se demande ce qu'il fait là, pourquoi il s'est embarqué là-dedans, si c'est vraiment ça, sa vie. Avec lui, on n'en peut plus. Il dit tout haut ce que d'aucuns ont tellement l'impression de penser tout bas. Puis, un peu plus loin, il prend une de ses filles dans ses bras et lui dit qu'elle est ce qui compte le plus au monde pour lui. Paf! Revirement. Et on est encore avec lui parce que bon, hein, quand même, comment ne pas aimer une enfant innocente?
Knaussgard est tellement réaliste que même ses sautes d'humeur sont faciles à suivre. Sa narration de sa vie de famille, de celle des gens de son entourage, des milieux littéraires dont on ne connaît à peu près personne, tout francophones que nous sommes, tout ça coule de source. Knaussgard est une caméra de surveillance pour lui-même. Il se voit très clairement, et ce qu'il nous montre n'a pas de secrets, absolument aucun. On connaît, parce que ça nous ressemble.
Le reste des quelque 800 pages d'Un homme... tourne autour des années où l'auteur a fait la connaissance de Linda, celle qui deviendra la mère de ses enfants. À travers les yeux de son amoureux, on en viendra tellement à connaître cette femme qu'on l'adorera aussi souvent qu'elle nous tapera fortement sur les nerfs. Et que dire de ses parents à elle...
"Mais c'est du voyeurisme, la transcription d'une téléréalité" direz-vous. Eh bien non. Au premier livre, j'avais cette impression, mais plus maintenant. Knaussgard raconte bel et bien une histoire, et c'est là toute sa force. Il fait de sa vie, qu'il ne cesse de qualifier de banale, d'ordinaire, voir parfois de ratée, une sacrée bonne histoire. Lire Knaussgard, c'est se rendre que tout est racontable, et aussi et surtout, que la réalité est "regardable". Knaussgard ne maquille rien. C'est le pourfendeur des faux-semblants et de la tyrannie du bonheur à tout prix. Pas que tout soit morne et triste dans la Suède du Norvégien, pas du tout. Il y a parfois de grands moments de bonheur et d'hilarité. Mais il n'y a aucun squelette dans les placards ni rien de caché sous les tapis et de lire ça, franchement, ça fait un bien immense.
Hyper-réaliste à certains passages, Un homme... contient par exemple la description d'un accouchement qui s'étend bien sur une trentaine de pages. C'est, à mon sens, une des meilleures que je n'aie jamais lues. Et ce n'est là qu'un exemple tiré d'une quantité de scènes beaucoup plus "vie quotidienne" où on se trouve fasciné... d'être fasciné. Pour ma part, en tout cas, lire Knaussgard m'apaise, mais non, je ne le recommanderais pas à n'importe qui. Je crois qu'il faut avoir une bonne part de contemplatif en soi pour apprécier de regarder un miroir aussi longtemps...
Mon seul bémol est tout autre et peut-être spécifique à mon coin de planète. Vrai que le bouquin fait presque 800 pages, mais faut-il vraiment le vendre aussi cher? J'hésite entre "honteux" et "triste", sachant qu'au prix où je me le suis procuré, quantité de lecteurs potentiels passeront, ou attendront tout bonnement de le retrouver dans une librairie de livres usagés. Bon, d'accord, rien n'est gratuit, mais quand même...
Reste qu'Un homme amoureux n'a rien de l'eau de rose que suggère son titre. Et si vous ne l'avez pas déjà lu, commencez par La mort d'un père. Si vous avec aimé, mettez la main dès que possible sur sa suite. Du bonbon.
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1 commentaire:
Comme vous, j'ai lu La mort d'un père, sans savoir pourquoi je n'arrivais pas à le laisser tout en n'y trouvant pas une grande joie sur le plan de l'écriture.
Il est certain que je vais lire celui-ci, maintenant que vous m'y encouragez!
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