Un adolescent raconte sa vie dans le Moscou de 1917. Si vous pensez à quelque chose de terne, de classique ou de poussif, vous faites totalement fausse-route. Ce livre est saisissant, son ton est exceptionnel et son texte d'une rare intelligence. Je ne me rappelle plus la dernière fois où j'ai fait une telle découverte.
J'ai bien cherché sur l'auteur. Ce M. Aguéev est bien décrit en préface du livre. Rien n'est équivalent ailleurs sur internet. À tout le moins cette brève description vous mettra au parfum et titillera certainement votre curiosité. J'avoue que cet aura de mystère sur un auteur pratiquement inconnu ajoute au livre, parce que cette fois plus que n'importe quelle autre, on peut qualifier un ouvrage de "sorti de nulle part". Quelle belle initiative des éditions Belfond!
Bon, d'accord, le titre vous rebute. Vous, les mentions à la drogue, vous trouvez ça pas bien. D'accord, mais si vous invoquez ce seul argument pour éviter ce livre, non seulement vous faites à peu près fausse route, mais vous manquez quelque chose d'exceptionnel. Le seul premier chapitre vaux à lui seul tout le livre. L'adolescent est à son école (sans doute un lycée) et il voit arriver sa mère, venue pour payer un montant en argent, oublié par le jeune homme à la maison. Le narrateur, cet adolescent, raconte sa honte de sa mère, les non-dits, les regards fuyants, la peur du jugement des autres. La table est mise. C'est totalement bouleversant, non seulement par le contexte, mais aussi par l'écriture.
Cet Aguéev du début du dernier siècle écrit avec une limpidité rare. La langue est si belle qu'elle nous retourne, et en même temps, le propos est si clair, si transparent de naïveté et de lucidité qu'on en tombe à la renverse. On ressent facilement les sentiments du jeune home parce qu'à cet âge, on a vécu ces sentiments de la même façon. Roman d'apprentissage s'il en est un, ce livre raconte des sentiments forts vécus pour la première fois: la honte, l'amour, mais aussi, la fierté et le désespoir. Certaines scènes de concours oratoires au lycée cité précédemment sont épiques. D'autres où le jeune homme, issu d'un milieu modeste tente de faire sa place parmi d'autres jeunes issus de milieux beaucoup plus aisés sont tout aussi crédibles, forts. Qu'on ait ou non vécu de telles expériences, on y croit par le ton du narrateur. On assiste au temps où l'enfance fait place à l'âge adulte, où les amitiés laissent les affinités personnelles de côté au profit des apparences sociales. C'est dur, mais encore, je le répète, tellement bien raconté que parfois, on croirait presque lire un reportage sur la clientèle étudiante d'un établissement scolaire de notre époque.
Les dernières pages donnent sa raison d'être au titre. Sur le même mode découverte, le narrateur se fait entrainer à faire l'usage de drogue. Les descriptions de ses expériences font penser à un reportage télé où on aurait collé une caméra à l'épaule d'un personnage, le suivant minute après minute, captant tout ce qu'il ressent, tant vers le haut que vers le bas, d'une minute, d'une heure, d'un jour à l'autre. C'est absolument captivant.
Véritable découverte, Roman avec cocaïne va, à mon sens, dans la cour des Grands. J'ai peu de souvenir de mes lectures, il y a longtemps, de Dostoïevski. Je me souviens seulement m'être surpris d'être passé au travers des Frères Karamazov avec une étonnante facilité. Il faut donner à ces russes un caractère simple, très pragmatique mais beau, parce que sans censure, sans faux-semblants ni formules toutes faites.
Roman avec cocaïne est, pour qui veut sortir des sentiers battus et être charmé, à lire absolument. À vrai dire, je connais peu de gens qui n'aimeraient pas. Vraiment!
Tout simplement superbe.
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