lundi 30 décembre 2024

Je travaille dans le bruit, par Yannick, Marcoux, éditions XYZ

Attention, alerte au coup de foudre. Déjà que le livre commence avec un code QR qui nous mène à une trame sonore proposée pour la lecture du livre, je croyais rêver. Enfin, un auteur avait compris mon penchant pour les accords musique/mots. Je n'étais pas seul!

Puis, très tôt, on sait qu'on est en plein dans la musique, les ambiances sonores, les lieux de rencontre, les exutoires et les plaisirs. Subversif pour notre temps, ce roman est à l'inverse de notre société hyper visuelle. Ici, le décor est minimal, mais l'ambiance est à son maximum. Les descriptions de musiques, de sons et de shows atteignent des hauteurs que j'ai rarement exploré en lisant. Adeptes de sans alcool et de cooconing à la maison devant votre écran pour une série télé, ne manquez pas ce livre, car vous serez totalement dépaysés: c'est l'exact contraire de votre vie.

Yannick Marcoux raconte un barman, sa profession, ses horaires, sa vie sociale, ses interactions, son environnement. Déjà, juste pour ça, c'est pasionnant, parce que le portrait est empreint de respect. Ses descriptions vont au-delà des idées reçues du personnage à la vie dissolue qu'on s'en fait habituellement. Oui, la vie est toute autre. Oui, il y a de l'alcool et, comme on se rapporte à il y a quelques années, il y a de la fumée. On se couche tard, la vie sociale se mèle à la vie professionnelle, mais la beauté de ce livre, ce sont ses portraits d'humains. Des clients habitués aux membres du personnel qui tiennent quasiment de la légende, Marcoux peint une galerie de personnages passionnants et aussi beaux les uns que les autres.

Ici, le méchant, c'est le temps, qui avance inexorablement, tant pour les personnages que pour la société. Dans ce livre, le bar montréalais, personnage central, changera au fil de son voisinage, de ses employés et de ses clients. Certains épisodes sont épiques, qu'il s'agisse d'un hold-up ou d'un spectacle.

Il faut redire que Yannick Marcoux parle de musique avec une délicatesse remarquable. J'ai été vraiment ému de sa description de pièces ou d'interprétations, de performances de musiciens sur scène ou sur disque. Ses décors sont faits de notes et d'odeurs. La bière donne soif et le bruit enveloppe, malgré les excès de chacun, que l'auteur décrit avec des mots justes, dans une langue facile à lire, qui coule aussi facilement qu'un fut dans une choppe ou qu'une mélodie d'un instrument.

Lire ce livre est une succession de beaux moments, souvent touchants, jamais ennuyants, d'un monde trop souvent mal aimé, mais tellement nécessaire. Superbe, et très réussi!

mardi 17 décembre 2024

La part de l'océan, de Dominique Fortier, éditions Alto

C'est mon premier Dominique Fortier. Les thèmes de ses livres précédents ne m'appelaient pas, mais je reconnaissais la grande autrice par tout ce que je lisais sur elle. Cette fois, le thème m'a plu: Herman Melville est en train d'écrire Moby Dick et il en parle avec son ami, Nathaniel Hawthorne.

Fortier nous emmène rapidement au-delà des simples conversations entre auteurs. Chacun admire l'autre et pour Melville, c'est bien plus que de l'admiration qu'il éprouve pour son ami. On parle d'obsession, d'un besoin, de quelque chose d'aussi malsain que de superbe, de violent et de tendre. Ajoutez le décor du 19e sièce, la Nouvelle-Angleterre, et vous avez un tableau parfait pour... mais c'est pas tout à fait ça.
/br> À cette histoire, l'autrice en mèle une autre, personnelle, avec un personnage, un écrivain, avec qui elle vit le même type d'admiration commune.

Sans avoir rien lu d'elle, je crois être entré dans le monde de Dominique Fortier avec un vent de face. Ce livre m'a demandé du travail. J'étais sur le point de décrocher que je raccrochais avec un instant sublime. Puis, je décrochais encore, et ainsi de suite.

Faut dire que l'autrice nous fait naviguer sur plusieurs eaux en même temps, entre son histoire personnelle, celle, passionnante, des deux auteurs américains, mais aussi de celle de la femme de Melville, solitaire dans un monde de mots et de gens, en plus des humeurs imprévisibles de son mari, et de tout ce qui se passe autour d'eux.

C'est sans doute un livre sur l'écriture, ce qu'est écrire, pourquoi on le fait, mais aussi, surtout, pour qui. Comme une huitre difficile à ouvrir, La part de l'océan contient des perles. Les passions décrites sont fortes, superbes et parfois incompréhensibles. C'est beau, mais comme aimer sans savoir si on est aimé en retour, c'est parfois difficile.