dimanche 20 novembre 2022

Les marins ne savent pas nager, par Dominique Scali, éditions La peuplade

Voici un roman d'aventure de plus de 700 pages dont la lecture est une aventure. Long et périlleux, original et brillant, c'est un livre qui étonne à plusieurs égards, envoute souvent et déçoit assez pour qu'il vaille la peine d'en parler.

L'histoire se déroule dans un temps passé, celui des grands bateaux à voile, dans un pays fictif au système politique et social inédit. C'est là toute l'originalité de ce livre. L'autrice a inventé une société avec des codes sociaux étonnants, parfois avangardistes, parfois originaux parce qu'ils évoquent les inégalités sociales d'une manière nouvelle, basée sur la géographie, les genres, et même l'âge. Véritable livre geek, on est presque dans un jeu de rôle, avec des réglements inventés mais efficaces, une fiction organisée. L'autrice joue habilement avec ces codes, qui bâtissent l'histoire de la vie de l'héroïne, une citoyenne du pays qui vivra toutes les possibilités, victoires et défaites, que sa société puisse offrir.

Ajoutons que le pays fictif est une île, ce qui est prétexte à la forte présence de la mer, du maritime, de l'océan. En fait, l'eau est pratiquement le personnage principal de ce livre. Là encore, le côté geek ressort, avec une connaissance fine de la navigation, du temps, des mouvements de l'eau, etc. De ce côté, c'est totalement réussi. Fictif ou pas, historique ou pas, Les marins... est d'abord un roman de la mer. Les amateurs de houle et de tempêtes seront ravis.
Je sais pas pour vous, mais pour moi, parfois, un geek, ça s'égare un peu tellement c'est dans son monde. C'est ce qui arrive parfois ici, parce qu'il arrive souvent que les descriptions de codes sociaux, d'événements historiques fictifs ou de technnicalités du monde marin durent trop longtemps. C'est là mon premier hic.

Mon deuxième concerne le côté historique, puisque l'autrice fait souvent parler ses personnages... en vieux français. S'il s'agit de mots qui ne sont plus d'usage, parce qu'oubliés abev le temps, j'aime, c'est pertinent. Mais lorsqu'arrivent des dialogues avec des expressions vaguement empruntés à une ancienne "parlure", c'est beaucoup moins efficace, voir agaçant. Des expressions comme "z'avez" ou "z'êtes" sont saupourées inégalement dans les dialogues. Si la phrase commence ainsi, elle se termine souvent sans autre expression du genre, en donnant l'impression que le personnage emprunte une façon de parler qui fait plutôt penser a Mistinguette et Aristide Bruant à Montmartre. C'est caricatural et trop inégal pour être efficace. On n'avait pas besoin de ça.

Bref, enlevez des effets de style et quelques descriptions trop détaillées et vous aurez un roman de 400-500 pages enlevant, original et réjouissant. Sinon, on a un roman de 700 pages original, souvent enlevant, avec une chute brillante, une page couverture épatante (il faut le dire), mais parfois agaçant et lourd. Peut-être qu'un petit travail d'édition supplémentaire aurait pu faire l'affaire.

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