samedi 21 mai 2022

Anéantir, par Michel Houellebecq, éditions Flammarion

Ceux qui se laissent rebuter par le titre ne méritent pas ce livre. On est loin de la vision heavy metal d'un monde balayé par un armaggedon. Tellement pas. Anéantir contient plusieurs livres, une histoire, des occasions pour rire, des provocations exaspérantes et un talent rare de raconteur.

Parce qu'il s'agit de fiction. On aura beau tout dire et penser de Houellebecq, on ne pourra pas lui reprocher de nous enguirlander avec de l'auto-fiction qui parle de lui. Pas du tout. Ici encore, il prend un petit pas d'avance sur le temps pour nous montrer notre époque. Et ça marche.

On est en 2027. Paul est le proche conseiller d'un ministre important du gouvernement français. Malgré sa position enviable, Paul, qui est quand même tiré de la tête de Michel Houellebecq, se trouve donc minable, ordinaire, sans envergure. Il admire les forts, juge les plus faibles, bref, c'est un anti-héros.

La première moitié du livre est formidable. Ça parle de Paul, de son couple qui s'étiole, de son job qui ne le motive que peu, et de sa famille qui, tiens, revient dans sa vie. Son père a un ACV, que faire avec lui?

Puis vient la deuxième partie du livre où de personnelle, l'histoire prend une tournure socio-politique. Il y a des élections présidentielles et mondialement, ça brasse. Plusieurs personnages passent, aucun ne vous laissent indifférents, chacun fait sa marque, et Paul poursuit sa vie jusqu'à ce qu'arrivent les 100 dernières pages.

Ces dernières pages sont sublimes. Ce livre se termine en effet par un hommage au désir dans une tendresse indéfinissable, et c'est ici où Houellebecq surprendra le plus grand nombre. Eros et Thanatos se chevauchent de la plus belle façon qui soit. Parce que de sexe, il est question, et aussi de la mort, mais tous deux sont abordés finement, sans malaise, avec une lumière crue mais douce. C'est là où on reconnait un grand auteur.

Avec Anéantir, j'ai ri des descriptions de situations et de personnages, j'ai levé les yeux au ciel devant la description de rêves de Paul, à mon sens complètement exaspérantes, mais mises là pour me pincer, pour se moquer un peu de moi. Alors j'ai persévéré parce que si une page de Houellebecq vous énerve, 10-20 autres ensuite vous captivent. L'homme sait écrire, çca c'est indéniable.

Pour ma part, je m'incline. À elles seules, les 100 dernières pages valent tout le livre, mais l'ensemble est une peinture fictive et éclairée de notre époque. Qu'on soit d'accord ou pas avec sa vision du monde, Michel Houellebecq sait nous divertir. Il ne m'a pas choqué, juste brassé, et ma foi, ça m'a fait le plus grand bien. Vous ne l'avez jamais lu? Commencez avec ce livre-ci, et oubliez toutes les critiques. Ça vaut la peine.

Anéantir est une réussite totale.

Aucun commentaire: