Introduction prometteuse. On croirait entendre la voix off de Bruno Ganz dans Europa. Le personnage principal est décrit au "nous". On est dans une bibliothèque d'université en Tasmanie. On dirait que la caméra tourne autour de lui. Le gars est photoreporter. Son magazine traque les épaves, son patron est capitaliste, et la trésorière-secrétaire de l'entreprise, lubrique. Le mec partira à l'aventure avec des obsessions à satisfaire. On frôle l'Indiana Jones geek. Ça sonne bien.
Il se retrouve sur une île de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le décor est original, sa mission aussi. Arrive une belle activiste locale, elle aussi en mission sur la même île que lui. Ils vivront des aventures... Vraiment, c'est un départ canon. Or, comme pour notre homme, on avance de plus en plus difficilement. Après quelques pages, on a chaud et même, on se surprend à manquer de souffle. Zut. La raison n'en est pas le récit, mais le style.
C'est une question de forme et de fond, où la forme est le style et le fond, l'histoire. Il me semble qu'un bon livre rassemble les deux. Ici, j'ai décroché sur le tard parce que le récit est captivant mais la forme, elle... Carmain est le roi de l'incise. Proustien (ça se dit encore?), ses phrases sont souvent de longs fleuves où flottent plusieurs idées à la fois. Parfois prétexte à de belles trouvailles, le ton ironique et extrêmement littéraire reste difficile. J'ai parfois buté sur quelques phrases/paragraphes,que j'ai relus pour bien les saisir. Qu'on le veuille ou non, ça nuit un peu à la lecture...
En fait, c'est tellement truffé d'incises qu'on se croirait dans un champ de lavande. C'est joli la lavande, au début ça sent bon, mais à force d'y gambader, on n'en peu plus de tout ce bleu et l'odeur nous donne un peu mal au coeur. Bon, peut-être suis-je un lecteur enclin aux lectures faciles. Mes coups de coeur publiés sur ce blogue permettront d'en tirer vos propres conclusions. N'en demeure pas moins que si j'avais été l'éditeur, j'aurais dit à l'auteur que oui, son histoire était bonne, ses idées belles et originales, mais pour le texte, faudrait peut-être faire attention de ne pas trop perdre le lecteur dans une même phrase. Et le personnage de la secrétaire, peut-être n'aurait-il pas fallu la faire disparaître aussi vite... Des fautes (de frappe?) sont aussi à souligner dans le texte. Toujours un peu décevant... Auteur ou éditeur à blâmer? Allez savoir.
Enfin, il me faut faire mention de passages a)- lubriques, b)- extrêmement violents. Bon, oui, le sexe, ça fait partie de la vie, des choses, des histoires, de la littérature. N'en demeure pas moins que comme toute chose, il me semble qu'il faille savoir doser. Pas que ce roman soit lubrique, non. Certaines références vaguement pornos à des moments incongrus font d'abord sourire, mais à force, ça semble un peu déplacé, voir obsessif. Quant aux passages extrêmement (le mot est faible) violents vers la fin du livre, dans une scène qui se prête à ça, qu'on se permette de sourciller. Oui, d'accord, ça fait partie du jeu. Oui, ça va avec un certain aboutissement, ça nous ramène à une vision peu... amène de l'humanité franchement décevante dont Bunyip nous parle. Oui, on a le droit d'écrire ces choses mais là encore, fallait-il aller jusque là? Bien sur, le ton ironique décrivant les pires horreurs a de quoi faire frémir, mais mis à pas les hauts le coeur, comment se fait-il que cette histoire ne m'ait pas emmené vers une réflexion plus profonde sur la perte de sens de certains activistes, par exemple?
Enfin. Voilà mon constat personnel. L'homme sait raconter. Écrire aussi, mais en refermant ce livre, flottait dans l'air une odeur de pas assez cuit, de pas assez ficelé, ou de déception, disons les choses comme elles le sont.
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