lundi 3 février 2014

C'est le coeur qui meurt en dernier, de Robert Lalonde, éditions Boréal

Ah, les mères envahissantes, judéo-chrétiennes à la puissance 10, incarnations vivantes du remord et de la mauvaise foi. C'est le genre de personnage qui a nourri on ne sait plus combien de films, de bouquins, d'histoires de toutes sortes. La mère de Robert Lalonde ne fait pas exception à ces dernières. Présente, elle le fut dans la vie de son auteur. Énormément. C'est ce qu'il raconte. Et, s'il y a une façon de distinguer ce récit d'autres dans le même genre c'est que lui, Lalonde, n'a à peu près rien à reprocher à son personnage à titre posthume. Ce récit est celui d'un personnage extraverti, et comme tous les gens de ce genre, soit ils nous tapent, soit ils nous divertissent.

Un des derniers personnages de mère qui m'ait frappé, c'est celui de Delphine de Vigan dans Rien ne s'oppose à la nuit. Celle de Robert Lalonde est moins tragique, mais tragédienne, moins violente, mais elle arrive quand même à être méchante. C'est surprenant de mesurer toute l'amertume que ces femmes ont vécu. Celle-ci ne fait pas exception. On pourrait dire d'une telle vie qu'il s'agit d'un mauvais casting: un talent fou dans la mauvaise pièce.

Cette dame, Québécoise, dispose d'un langage et d'expressions absolument savoureuses que son auteur de fils fait très bien ressortir. Si le portrait n'est pas nouveau, l'écriture n'est pas tellement distinctive non plus. Il faut toutefois noter le talent de Lalonde, sans doute hérité de sa mère. Cet auteur choisit les bons mots, ne s'empêtre pas dans des expressions ampoulées et bien qu'il s'agisse d'un portrait intime d'un personnage (quand même) aimé, il ne tombe ni dans la guimauve ni dans la sensibilité à trois sous. Émouvant, parfois drôle, ce récit est surtout sympathique. Il dresse aussi un excellent portrait d'un lieu et d'une époque: une petite ville du Québec des années 50 aux années 70-80 environ. Qui ne connaît pas le genre fera certainement des découvertes et pourra constater tout le poids que ces gens se mettaient eux-mêmes sur les épaules, porteurs d'un passé lourd et riche qui fut rapidement mis de côté. Conflit de générations? Peut-être. À vous d'en tirer vos propres conclusions. À mon sens, chacun, ici, est victime de la vie de l'autre, soit-elle nouvelle ou ancienne.
Québécois moi-même, j'y ai reconnu plusieurs personnages connus, issus tant du passé que du présent. À la fin du livre, j'étais content, le portrait en était un bon. Donnons à Lalonde le crédit de ne pas s'être top éternisé en longueur. Les 165 pages sont juste assez.

Comédien et auteur, Robert Lalonde a tout le bagout nécessaire pour rendre une entrevue intéressante. Je vous suggère celle-ci qu'il a donné à la sortie de son livre. Elle permet de mesurer le talent de conteur de l'auteur, qui fait là un excellent résumé de son livre.

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