samedi 5 mai 2012
Une bonne raison de se tuer, par Philippe Besson, éditions Julliard
Los Angeles ou sa région. Deux vies en parallèle. L'un est un homme dans la quarantaine qui va enterrer son fils qui vient de se suicider. L'autre est une femme du même âge qui s'est levé ce matin-là avec l'intention de se suicider. On ne pourra certainement pas reprocher à Philippe Besson un titre qui porte à confusion.
Los Angeles. La Californie. Bon, déjà vous avez planté le décor. Vous avez une idée mythique de la Californie? Ou télévisuelle? Eh ben c'est ça. Besson aussi.
L'homme vit près de la mer. C'est un artiste bohème, et quand on vit sur le bord de la mer en Calif on fait quoi? Eh oui, du surf! Mais attention, on a beau être bohème et fauché, ça nous empêche pas de rouler en... Mustang!
La dame est une mère de famille divorcée. Elle vit maintenant seule à West Hollywood et travaille quelques heures par semaine dans un dinner. Dans le personnel, y'a donc des... gays! Mais attention, on a beau être une petite serveuse fauchée, ça nous empêche pas de rouler en... Prius! Et le pire, c'est qu'en tout début de livre, on apprend qu'une des raisons du désespoir de la dame, c'est de n'avoir pas réussi à vivre le... rêve américain. Non, ne vous en faites pas, il n'est pas ici question de grands espaces. Mais peu s'en faut, on n'en est pas à un cliché près.
Tant de clichés ne peuvent qu'être exaspérants. Pourtant, j'aime Philippe Besson de tout coeur. Il a écrit un des plus beaux livres qui parle d'amour, un thème qui ne m'allume pas tant que ça d'ordinaire. Avec "Un instant d'abandon", il m'avait carrément eu, alors je l'ai suivi. Toujours, Besson écrit bien. Son écriture est très serrée, droite, efficace. Les mots sont justes, jamais flous, aussi ses descriptions sont claires et les émotions toujours fortes, très à fleur de peau. Sensible et dur, j'aime vraiment. On retrouve tout ça dans Une bonne raison pour se tuer, mais quelle mouche a piqué Philippe Besson d'aller planter son décor à L.A.? La facilité des clichés m'a irritée, oui, mais aussi cette histoire de la dame qui a décidé de se tuer en fin de journée. Oui, bien sur, elle passera par plusieurs types d'émotions dans sa journée, mais elle la fera de bout en bout, sa journée, ira travailler, fera un peu de ménage, fera en sorte que rien ne paraisse. Quand même, c'est là une belle façon de parler du faux-semblant Américain, des formules anônées quotidiennement, des "Hi How are you?" obligés.
Mais n'empêche. Il y a plusieurs façons de parler des tares de notre société, de la guerre, du racisme, du sexisme, du manque de respect, du suicide, etc. Toutes ne sont pas bonnes. Or, cette façon de parler du suicide, à mon sens, n'est pas bonne. Cette histoire banalise un geste que d'aucuns n'arriveront jamais à expliquer. L'histoire de la dame est plutôt bête, facile. Ah et oh... on atteint la quintessence du cliché lorsqu'arrive, pour une page ou deux, "l'écrivain français", un client du dinner qui observe les comportements des gens à la ronde de son oeil fin. Un caméo littéraire... Fallait le faire, mais franchement, était-ce bien nécessaire, monsieur Besson?
Pourtant, l'autre histoire, celle de l'homme en deuil de son fils est du pur Besson. Touchante et forte, toute en vagues tant vers le haut que vers le bas. Ces personnages sont beaux, le père, le fils, la mère. On les croit, on comprend leur désarroi. Ce suicide-là, justement, ne sera pas expliqué. Il reste pudique. L'autre, celui de la dame, tenter de l'expliquer est vain. On n'y croit pas. C'est prétentieux.
Bien sur les deux personnages se croiseront. Comme dans toutes les histoires de ce prolifique auteur, ça consistera en de très belles scènes. Clarté, c'est le mot qui me vient le plus facilement en parlant des histoires racontées par Besson. D'une lumière forte, malgré la tristesse.
Comme quoi même les auteurs qu'on préfère peuvent nous décevoir. Oh, je ne le suis pas ici au point de l'abandonner. Mon exaspération tient peut-être ici du fait d'une certaine référence culturelle, en ce que l'auteur utilise des concepts jugés clichés de ce côté-ci de l'Atlantique, mais qui passeront peut-être inaperçus du côté européen. J'aimerais pouvoir comparer avec ces lecteurs européens. N'empêche, j'espère que son trip californien a pris fin. Comme les vêtements, les décors ne vont pas à tous. Là, Philippe Besson s'est trompé de placard... tout en sachant rester lui-même.
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