Ce livre est aussi paru en français sous le titre Un bref instant de splendeur, aux éditions Gallimard, collection Du monde entier.
Celui qui se raconte dans ce livre est né au Viet-Nam et a immigré aux USA à sa toute jeune enfance avec sa famille. Il grandira dans un appartement avec sa mère et sa grand-mère, à Hartford, au Connecticut. Les événements quil raconte se passent principalement pendant son adolescence et sa vie de jeune adulte au début des années 2000.
Ce garçon écrit à sa mère en racontant leur vie commune. Il lu parle de sa vie à lui, jeune garçon d'origine asiatique vivant avec deux femmes marquées par une vie passée dans un pays en guerre. Il parle aussi des bouts de leurs vies que ces femmes lui ont racontées. Ces épisodes sont racontées en fragments, au fil des souvenirs du narrateur, toujours en s'adressant à son unique interlocutrice, bien qu'il sache qu'elle ne le lira jamais.
Qu'il est impressionnant de lire un auteur qui comprenne les sentiments humains. Ils sont mes préférés. Raconter une scène est une chose, mais la raconter comme si on l'avait vécue en est une autre. C'est là où se distingue un auteur comme Ocean Vuong. Vivre, c'est d'avoir un présent, un passé, des intentions. Il faut avoir une connaissance fine de la psyché pour voir dans la violence la conséquence d'événements passés. Il faut avoir l'esprit tout aussi ouvert pour voir dans la peine le début de l'espoir, la fin de la douleur. Ce livre, c'est tout ça.
Les vies racontées sont dures. Certaines scènes vous marquent, d'autres vous choquent. De la vie d'une travailleurs dans un salon de manucure, dans les effluves de produits chimiques et la condescendance des clients, à celle de jeunes ados dont la vie se termine en overdose de fentanyl, Vuong dresse un portrait d'un pays dont on n'entend à peu près jamais parler. Et c'est sans compter la violence conjugale qu'a vécu sa mère, et de ses premiers amours à lui, jeune gars de 14 ou 15 ans, avec un autre garçon, un Américain, et tout ce que ça implique comme questionnement, tout ce que ça amène comme découverte, comme peurs. Enfin, de la vie d'immigrant il tirera des anecdotes, des portraits, mais sans tomber dans le misérabilisme, sans demander votre compassion. Là comme ailleurs, on y devine une grande peine.
Ce livre raconte la peine comme d'autres parlent de l'amour ou du courage, et pour parvenir à nous en parler sans nous décourager, Vuong utilise des images mentales qu'il nous offre comme autant de petites images colorées qu'on pourrait coller sur un tableau noir. C'est comme s'il nous prenait dans ses bras pour s'excuser de nous avoir bousculé sur la page précédente. C'est vraiment très fort, très habile, mais surtout très crédible.
La peine, c'est plus grand que le regret, plus fort que la tristesse, et si ça peut se transmettre, ça ne dure pas. C'est ce qu'on comprend d'une scène puissante et très belle que l'auteur tire de son imaginaire pour nous résumer les histoires qu'il vient de nous raconter. Pour vous donner une idée, on y commence avec des bisons qui courent se jeter en bas d'une falaise et on termine par des papillons monarques qui s'envolent pour poursuivre leur chemin.
Ce livre ne ressemble à rien d'autre que j'aie lu jusqu'ici et j'en veux encore. Ces nouveaux auteurs américains ne cessent de m'étonner. Ce sont des voix trop peu connues d'une culture qu'on connaît trop mal. S'il vous fallait ne lire qu'un seul de ces nouveaux auteurs, lisez Ocean Vuong. Même les blasés seront surpris.
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